mercredi 11 décembre 2024
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Isabelle Grussenmeyer – La chanson polyglotte, en alsacien

Elle foule la scène alsacienne depuis l’âge de 11 ans quand René Eglès l’a invitée à chanter avec lui à Ingwiller. Si Isabelle Grussenmeyer n’a jamais cessé d’écrire et de chanter, elle aura attendu 2020 pour devenir intermittente du spectacle et quitter l’enseignement. Originaire de Mertzwiller où ses parents vivent toujours, elle habite à Villé avec ses deux filles et son mari. Avec elle, c’est alsacien à la maison et sur scène. Isabelle répète à qui veut l’entendre que c’est cela qui la fait vivre : parler, chanter, partager en alsacien, une passion devenue le métier de ses rêves.

Comment l’envie de chanter en alsacien vous est-elle venue ?

Je chantais des comptines avec mon arrière-grand-mère, et j’ai rencontré René Eglès à 11 ans, en tant que spectatrice à Ingwiller. À la pause, je lui ai dit, moi aussi je veux chanter une chanson ! C’était sur la mélodie de Prendre un enfant, Robert-Franck Jacobi en avait fait une version en alsacien, S’Elsass esch unser Lànd apprise à la chorale à Uberach. Je lui ai présenté, il a bien aimé, et m’a appelée sur scène devant 500 personnes ! Trois jours plus tard, il me propose le Palais des congrès à Strasbourg… Quand j’ai vu la “petite” salle de 1000 places, j’ai dit, ah oui, quand même. J’ai appris une chanson en plus sur K7, et ça s’est très bien passé. Et puis il me rappelle encore, pour la fête de Noël des personnes âgées, c’était l’autre salle, de 2000 places cette fois ! À chaque fois qu’il était dans le secteur, Betschdorf, Seebach, il m’appelait pour deux-trois chansons dans son set.

« Je suis polyglotte dans les variantes dialectales ! Il n’y a pas de vrai bon alsacien et c’est aussi ce que j’aime »

Quel est l’apport de vos parents, pour l’alsacien, la musique ?

Mes parents m’ont mise à la langue surtout, en entrant à la maternelle, je ne parlais qu’alsacien. Ils n’étaient pas musiciens, mais mes grands-mères chantaient ou racontaient des histoires. Mes parents m’ont donné la possibilité de m’inscrire à la chorale à Uberach où la directrice m’a appris à m’accompagner à la guitare sans passer par le solfège. Ils m’ont toujours soutenue dans mes projets, ils étaient présents pour la logistique et le soutien matériel, pour m’emmener partout sur les scènes d’Alsace et d’Allemagne…

Votre cursus vous amène à enseigner en classes bilingues jusqu’en 2014 avant votre congé parental. Que retenez-vous de cette première carrière ?

J’avais une mission dans l’éducation nationale, le même poste que René Eglès, détaché de l’enseignement pour faire du spectacle et des chansons en alsacien. J’ai pu le faire un jour par semaine, c’est pour cela que je suis partie parce que je voulais m’y consacrer. Finalement je retourne dans les écoles par un autre biais et mon expérience me donne cette pédagogie. Par exemple dans le spectacle ABC Sùpp, j’intègre une leçon d’orthographe, sans jouer la maîtresse qui fait son spectacle, mais ça se sent. J’aime bien l’interaction aussi, les enfants ne s’endorment jamais pendant mes spectacles, ils participent, les maîtresses ne s’ennuient pas, ni les parents !

Isabelle en 1996 avec René Eglès, son mentor. / ©Dr
Depuis cinq ans, vous êtes intermittente du spectacle, mais vous n’avez jamais quitté la scène en fait !

Oui j’ai démissionné juste avant le confinement, il a fallu avoir des projets et que ce soit le bon moment… Mais dès 17-18 ans, j’étais sur scène, dans les années 2000, j’ai tourné avec mon spectacle—pas à un rythme professionnel, mais avec mes musiciens, mes albums. J’ai fait toutes les sessions de Summerlied depuis 1997, et René Eglès était mon musicien à l’époque ! J’ai joué à la Choucrouterie, j’ai rencontré Jean-Pierre Albrecht qui m’a appris à écrire, car ce n’est pas évident avec les accents toniques… J’ai été sur plein de projets comme le Barabli, ou les Alsacomptines, une demande de Gérard Dalton pour traduire ses chansons en alsacien… C’est un double CD qui s’est très bien vendu, et dans toute la France ! Nous en avons fait un spectacle en trio avec Albrecht. J’ai fait beaucoup de rencontres, c’était sympa.

Vous serez d’ailleurs sur scène à Mertzwiller le 10 novembre, pour les enfants à 16h avec s’Raiseladel Konzert, puis à 17h30 un concert tout public avec Adrien Geschickt et Thomas Etterlé avec votre dernier album Ich bin do…

Oui à Mertzwiller, c’est la première fois qu’on va faire un peu comme Aldebert, un concert jeune public avec un trio de musiciens, au lieu de faire un spectacle théâtralisé. En deuxième partie, on revient avec le même trio, et le spectacle pour les grands. C’est très familial, tout le monde trouve son compte.

Vous êtes également comédienne et créez des spectacles sur mesure. Quels autres talents avez-vous ?

Mes interventions de comédienne à la télé entrent en compte pour l’intermittence, comme dans Sundi’s Kàter sur France 3. On m’appelle aussi pour des traductions, des livres jeune public, ou des applis : tout ce que je fais à un rapport avec l’alsacien. J’anime des semaines alsaciennes, comme à Geudertheim, et pour les écoles ou les périscolaires, c’est sur demande et sur mesure. Je leur laisse le thème libre, j’ai des centaines de chansons, mais ils trouvent toujours celui où je n’ai pas encore écrit : les JO cette année ! Mon dernier projet Wie a Kinder spiel est un cahier d’activités et un jeu de cartes memory, multilingues. D’un côté, les images avec le texte en alsacien et de l’autre les images et un QR code pour entendre le son. Ils sont en vente après le spectacle ou sur mon site internet.

Vous intervenez du nord au sud de l’Alsace, quel dialecte pratiquez-vous finalement ?

(sourire) Déjà petite à Mertzwiller, ma grand-mère me reprenait sur le dialecte de ma mère de Saverne ! Arrivée à Strasbourg, c’était encore autrement, puis dans ma belle-famille à Colmar… Ces différences m’ont permis de m’intégrer dans la vallée et autrefois les gens le parlaient autant ici que dans le nord. Et mon alsacien peut s’adapter, si Eglès ou Albrecht écrivent en strasbourgeois, je chante comme ils ont écrit, sinon comme moi j’ai écrit. Je suis polyglotte dans les variantes dialectales ! Il n’y a pas de vrai bon alsacien et c’est aussi ce que j’aime, cette diversité dans le dialecte. C’est d’ailleurs un grand débat à la maison, on mange des Grùmbeere ou des Hartäpfele, mais alors où ont-elles poussé ? (rires)

Vous utilisez souvent les mots autrefois, à l’époque… Que pensez-vous de la transmission de l’alsacien aujourd’hui, est-on en bonne voie ?

C’est difficile aujourd’hui pour les jeunes parents, l’environnement n’est plus aussi dialectal que dans les années 80, ils doivent s’accrocher aussi par rapport à certains commentaires… Moi je pense que plus ils ont de langues dès le début, plus ils apprennent facilement une autre langue ! D’ailleurs je fais aussi de nouvelles vidéos YouTube, j’avais commencé au confinement pour garder le lien avec les écoles. Ce sont des comptines traditionnelles qui fonctionnent bien, c’est comme un repeat after me, c’est très interactif, et apparemment ça marche ! C’est donc le moment de les relancer. Pour moi, c’est important qu’il y ait une trace en alsacien.

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