Le jeudi était jour de marché à Saverne. Il se tenait, comme c’est encore le cas aujourd’hui, sur la place du Château des Rohan. Le stand du poissonnier Wenker était placé en bordure de la Grand-Rue à côté de l’immeuble qui fait l’angle et qui abritait à l’époque le restaurant du Soleil et le cinéma Vox. Il régnait toujours une atmosphère joyeuse à ce stand tenu par les frères et la sœur Wenker, chaussés de bottes en caoutchouc blanc, avec un tablier bleu ceint autour de la taille.
C’était impressionnant de voir sur l’étal ces poissons de formes diverses, aux couleurs et aux regards argentés, ou déjà levés en darnes ou filets nacrés. Les harengs étaient posés dans des seaux. Je me souviens que le poissonnier les enveloppait dans du papier journal.
Maman les faisait dessaler dans une bassine en fer-blanc et ma sœur et moi aimions inspecter leur corps argenté et leurs yeux gris tout en faisant des paris : garçon ou fille ? Ce n’est que lorsque maman les vidait que nous découvrions leur secret : certaines femelles contenaient des œufs, que maman jetait (alors que certains les apprécient). Les mâles contiennent des laitances, généralement bienvenues pour être mélangées à la marinade.
Les harengs peuvent se manger toute l’année, mais ils sont généralement appréciés durant les mois froids, où ils sont maigres, à partir d’octobre et jusqu’au printemps. Nous nous réjouissions aussi pour l’arrivée des harengs « maatjes ». Ce terme hollandais désigne des harengs à la chair plus tendre, plus grasse, car le hareng ne s’est pas encore reproduit. On dit que le hareng est vierge.
Voici la recette la plus traditionnelle, mais retenez que d’autres accords sont possibles avec les harengs, notamment des dés de pommes ou de betteraves rouges, une sauce moutarde ou parfumée au curry.
Harengs marinés à la crème
La recette de Marinierti Hari
Recette extraite du livre Les meilleures recettes d’Alsace (La Nuée Bleue)
Ingrédients pour 6 pers. :
- 6 harengs salés entiers ou 12 filets déjà levés
- 2 belles échalotes (ou oignons coupés en rondelles)
- 20 cl de crème fraîche
- 30 g de moutarde condiment
- Facultatif : 1 verre de vin blanc
- 1 cuillerée à café de vinaigre au miel
- 1 feuille de laurier
- 2 clous de girofle
- Poivre du moulin
1| Faites dessaler les harengs entiers pendant une nuit et une demi-journée dans un récipient dont vous renouvellerez l’eau. Retirez la peau des harengs et prélevez les filets. Réservez les laitances, et éventuellement les œufs contenus par les femelles. Disposez les filets dans une terrine, arrosez-les avec le verre de vin blanc et la cuillerée à café de vinaigre.
Ajoutez les échalotes ou les oignons émincés. Laissez reposer pendant une dizaine de minutes, le temps de confectionner la sauce de marinade.
2| Pour la confection de la sauce : lavez les laitances à l’eau claire avant de les hâcher finement ou de les passer au tamis. Ajoutez la crème fraîche mélangée à la moutarde, la feuille de laurier, les clous de girofle et le poivre.
Nappez les filets de harengs avec la sauce, couvrez la terrine et disposez-la dans un endroit frais. Laissez mariner pendant une semaine. Pour la confection de la sauce avec les œufs de harengs, on procède de la même manière : on écrase les œufs avant d’y ajouter la crème fraîche et les condiments.
Notez que l’on peut y ajouter un peu de kirsch ou de l’alcool de baie de genièvre.
3| Servez avec des pommes de terre en robe des champs, avec du pain de seigle beurré et même avec quelques tranches de pommes vertes acidulées.
Tout vin blanc sec accompagne bien les harengs, comme un sylvaner, un Bourgogne aligoté ou un Touraine blanc. Mais la bière blonde ne demeure pas en reste.
Essayez aussi, comme les Scandinaves, une gorgée d’Aquavit, distillée à partir de pomme de terre ou de céréales et parfumée avec cumin, anis, aneth et coriandre.