Julien Stéphan est un entraîneur remarquable. Il manie à merveille l’ambition humble comme un peintre imaginerait un clair-obscur. Sans trop attirer la lumière, il laisse entrevoir des éclairs, des fulgurances, mais aussi des détails d’une précision jouissive, donne toute son importance à un personnage que l’on pensait secondaire, mais qui rééquilibre l’ensemble du tableau. Du génie.
14e budget de Ligue 1, « le Racing avance forcément dans l’ombre », selon les propos du maître. On peut le concevoir. Sur la ligne de départ, quand il pose sa toile vierge sur son chevalet, il regarde ses pinceaux : pas les plus fins. Il jette un œil à ses gouaches : quelques nuances, mais moins que plusieurs de ses collègues. Peu importe, son trait est sûr, son style évident, et sa fresque emmène chacun de ses personnages, comme si le tableau prenait vie et qu’un Prcic, par exemple, décidait lui-même de redorer sa figure.
La composition est d’un équilibre parfait. Quand on l’accroche au mur, on ricane presque à la comparaison. Certains sont certes de bons dessinateurs, à l’aise pour de la bande dessinée éventuellement, d’autres ne sont pas dénués de talents, mais des pinceaux beaucoup trop épais, tandis que pour les derniers, clairement, ils composent avec des moufles.
Une toile à préserver
67% de passes réussies dans les 30 derniers mètres adverses, un but tous les 6,3 tirs, une répartition presque équitable des passes décisives entre la gauche, la droite, l’axe, 41 buts marqués en 21 matchs (2e attaque derrière Paris), et 35 points. A priori il ne manque que 3 ou 4 points pour « atteindre notre premier objectif, le maintien », comme le rappelle Julien Stéphan, conscient des attentes suscitées par la beauté du spectacle.
« L’ambition passe par le jeu », concède toutefois le Breton d’origine. « On a envie de contenter les supporters. Si on continue comme ça, avec cet état d’esprit et cette ambition collective, on arrivera à prendre ce maintien plus tôt que la saison dernière. Une fois que ce sera acquis, on continuera à jouer. Allons étape par étape, restons focalisés sur le jeu, c’est ce qui nous réussit depuis le début de la saison. » La peinture mettant du temps à sécher, on n’est pas à l’abri d’un accident. Arrêtez de respirer.