Un dimanche thérapeutique

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J’adore les asperges, alors je me suis précipité dans la première ferme d’Alsace du Nord pour trouver une botte qui me botte. Cette année les sols sableux de Haguenau ont bien plu à cette plante que je vénère comme légume, comme vous, j’imagine. La saison est lancée. Elles sont même arrivées avec dix jours d’avance et comme je suis un as de la vinaigrette, ça m’a donné envie d’inviter ma voisine pour déjeuner dimanche.

« Des asperges ? » Elle a dit ça comme ça, avec dans la voix ce petit mépris des gens qui savent dire « non » sans s’abaisser à le formuler : « C’est assez osé monsieur de proposer ce repas à une jeune femme qui a lu Les mille et une nuits, car vous l’ignorez sans doute, mais dans ce conte, les asperges sont des plantes aphrodisiaques, et puis, je suis très occupée, je vais voter dimanche », elle a répondu. C’est étrange, non ? Voter ne prend pas le jour du seigneur en entier a priori, à moins de passer huit heures dans l’isoloir, mais je ne connais personne d’aussi indécis, à part notre voisin qui hésite entre blanc et rien du tout.

Donc, manger des asperges avec moi, puis aller faire son devoir de citoyenne n’est pas forcément complémentaire, mais « rien n’empêche de faire les deux », j’ai argumenté, c’est bon pour la santé et pour la démocratie qui a été bien pelée, elle aussi, ces derniers temps. « C’est même médicinal si l’on va par là », j’ai ajouté. « Par où ? », « Par là, c’est une façon de parler », j’ai répondu. Elle m’a trouvé bizarre, mais je ne sais pas pourquoi elle m’a proposé une balade au bord de la Moder. « Pour m’asperger », j’ai répliqué ? Ma voisine a fait « ah ah ah » et elle a conclu qu’elle priera le ciel, que le soleil reviendra d’ici là, que ça sera parfait avant d’avaler de travers les résultats du premier tour. Elle est visionnaire ma voisine, une balade avec elle éloigne le médecin.