samedi 23 novembre 2024
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Une victoire historique pour le climat ?

En novembre, le Conseil d’État avait donné trois mois au gouvernement pour «justifier que la trajectoire de réduction à l’horizon 2030 pourra être respectée». Jusqu’ici, La France a régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés. Reconnu coupable dans un procès mené par l’Affaire du siècle, l’État agira-t-il enfin pour réduire de 40%, au moins (en réalité plutôt 65%) ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour la première fois en France son inaction est jugée illégale.

L’Affaire du siècle est le nom d’un engagement, d’un procès collectif de plusieurs O.N.G., quatre organisations de protection de l’environnement et de solidarité internationale : Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et Oxfam France. L’Affaire du Siècle est soutenue par Marion Cotillard, Élie Semoun, Juliette Binoche, Shaka Ponk, mais aussi Cyril Dion, qui avec Mélanie Laurent avait produit Demain il y a cinq ans (le film documentaire a remporté un très grand succès ; il a inspiré des millions de gens qui ont transformé leur mode de vie ou leur entreprise, il a même poussé des personnalités à se présenter aux élections municipales avec les résultats que l’on connaît). Au total, 2,3 millions de personnes ont signé la pétition et soutiennent l’Affaire du Siècle depuis deux ans.

Un projet de loi insuffisant ? 

Est-ce une décision historique ? Un véritable scandale ou encore un coup médiatique de la part de ceux qui ont déposé cette plainte et intenté ce procès. Mais surtout, est-ce une victoire pour le climat ? L’État va-t-il faire face à une pression inédite pour agir beaucoup plus qu’il ne le fait contre les dérèglements climatiques ? Pour certains, ceux qui mènent ses actions juridiques ne sont pas dans le combat pour réduire réellement le réchauffement climatique, mais pour Nicolas Hulot : « C’est la victoire de ceux qui comprennent vraiment l’urgence de la crise ». Au moment où, déjà, les changements climatiques observés sont sans précédent, le nouveau projet de loi de la France présenté la semaine dernière au Conseil des ministres est-il destiné à respecter les accords climatiques ? La situation est-elle réellement catastrophique ? Ne reste-t-il de toute évidence qu’une toute petite fenêtre pour contenir le réchauffement ? Est-il déjà trop tard ? Des questions, essentielles pour notre avenir, se posent plus que jamais. 

Rappelons que la Convention Citoyenne pour le Climat missionnée par le président Macron a élaboré un plan avec cent quarante-neuf mesures. Le président s’est engagé à les transmettre sans filtre, sans les modifier, quand elles étaient suffisamment abouties. Pour Cyril Dion, cette promesse n’a pas été tenue et les propositions ont été systématiquement amoindries et rabotées. Le gouvernement a tout de même préparé un projet pour une grande loi climat à partir des travaux de la Convention, mais elle permettrait d’atteindre que 50 à 65% de l’objectif. Pour Cyril Dion, en réalité c’est infiniment moins : « Le député Matthieu Orphelin a fait un chiffrage qui estime que ce projet de loi permettrait de réduire de 2,4% nos émissions d’ici 2030. Même le Conseil économique, social et environnemental et le Conseil National de la Transition écologique ont étudié le projet de loi climat estiment que le compte n’y est pas. Loin de là. ». Les changements qualitatifs de modèle, économique, social et climatique, ne seraient pas au rendez-vous selon Claire Bordenave, rapporteuse de l’avis du CESE.

Comme la France, de nombreux pays ne tiennent pas leurs engagements

En fait, les objectifs de la France sont ambitieux, mais les actions sont insuffisantes. L’État a investi trente milliards pour le plan de relance écologique. Mais, dans quoi investir ? C’est la question de l’analyste en politiques publiques Ferghane Azihari. Il considère que le gouvernement Macron, parce qu’il a fermé Fessenheim, a perdu beaucoup de crédibilité et ne permet pas à la France de sauvegarder des atouts qui font d’elle l’un des pays les plus vertueux. 

C’est le cas en effet, et l’herbe n’est pas plus bleue ailleurs répète le gouvernement qui affirme qu’il en fait beaucoup. Les pays ne tiennent pas leurs engagements pour la réduction des gaz à effet de serre et la France n’est pas la seule concernée par des actions en justice, c’est le cas dans presque quarante pays du monde. Par exemple, en septembre dernier, de jeunes Portugais ont déposé plainte devant la Cour européenne des droits de l’Homme contre trente-trois pays, dont la France ; ils avançaient que par leur inertie climatique, ces pays portent atteinte à leurs droits à la vie. Strasbourg a jugé la plainte recevable et est en train de l’instruire. Le petit rayon de soleil, c’est le retour des États-Unis dans les accords de Paris signé il y a cinq ans, pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°. On verra de quoi sera suivie l’annonce de Joe Biden.

Cette décision de justice sera-t-elle suivie de faits concrets ? 

Pour l’Affaire du siècle, une nouvelle audience aura lieu au printemps. Le juge a laissé deux mois à l’État et aux O.N.G. pour échanger des arguments. Les organisations espèrent une injonction pour obliger l’État français à prendre des mesures dans un certain nombre de secteurs. Mais une question se pose : un magistrat peut-il se substituer aux politiques ? Ce qui est certain, c’est que L’affaire du siècle n’a pas fini de faire parler d’elle, ceux qui sont à sa tête et les personnalités engagées pour le climat n’ont pas l’intention de laisser respirer le gouvernement.

Pour conclure et pour faire flipper tout le monde, revenons sur les conclusions d’une étude menée par la BI Norwegian Business School : en ce qui concerne le changement climatique, le point de non-retour aurait déjà été dépassé. Même si toutes nos émissions de gaz à effet de serre s’arrêtaient brusquement, le monde continuerait à se réchauffer inéluctablement. Sympa, non ? Mais cela ne sera pas la première fois qu’une enquête hyper sérieuse se trompe lourdement. Dans le doute, on va suivre cela de très près et, selon la formule maintenant consacrée, poursuivre notre mission personnelle, faire notre part de colibri. 

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