Maxi Flash : Vos expériences sont riches et variées, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Yolande Haag : Oui, ça a été beaucoup d’investissements personnels. Il y a une phrase de Mark Twain que j’aime beaucoup: « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Ça résume bien mon expérience avec La Grange du Paysan à Hinsingen. Nous sommes partis de rien et tout a pris de l’ampleur. À 22 ans, je m’occupais d’une dizaine de personnes. Ça a vraiment été la gloire de l’Alsace Bossue. On m’a longtemps appelé « la Régine de l’Alsace ». Autrement, j’ai toujours aimé voyager. C’est ainsi que j’ai intégré la Lufthansa. Je me suis d’abord occupée du service Tourisme et Congrès, mais aussi des relations publiques. Il y a une phrase de Bernard Shaw qui résume bien mon expérience dans l’aviation : « Certains voient les choses telles qu’elles sont et se demandent pourquoi. Moi je rêve de l’impossible et je me dis pourquoi pas ». J’en garde des souvenirs incroyables. Je me souviens très bien du premier Boeing 747 en 1972, lorsqu’on a ouvert la ligne Francfort-Hong Kong. C’était mémorable.
Et puis, vous avez rencontré Michel !
YH : Un jour mon fuseau horaire s’est arrêté à Hochfelden. J’ai rencontré mon mari et je l’ai suivi pendant les vingt premières années. Pour Meteor, j’étais (et je suis toujours) chevillée au corps. Mon fils Edouard, qui a pris la suite de son père, m’a dit un jour: « Maman, en épousant papa, tu as épousé son rêve : préserver l’indépendance de la brasserie Meteor, ses emplois et son savoir-faire unique ». J’étais présente partout. J’étais devenue l’image de Meteor : celle qui est à l’écoute, qui pétille, qui partage. Edouard me dit encore souvent qu’il y a des clients qui se souviennent de moi.
Dans la vie, vous avez votre « way of life ». Qu’est-ce que ça signifie ?
YH : Oui, j’y tiens beaucoup. Ce sont mes valeurs de vie : travailler, aimer et partager. Travailler, c’est ce que j’ai fait de tout temps. Ce qui est important c’est d’avoir de l’audace, d’oser. Ce qui vaut la peine d’être fait vaut la peine d’être bien fait. Quand on aime son travail, on le fait bien. Aimer, comme aimer ce que l’on fait, aimer l’autre, aimer avancer. C’est le mot qui m’a sauvée quand j’étais dans un état désespéré. Partager, comme partager le positif, le négatif, tendre une main, ouvrir son cœur. Certains salariés de l’entreprise m’écrivent pour me parler de leurs problèmes personnels. Je m’élève contre la solitude et la violence. Faire un pas vers l’autre pourrait résoudre plein de problèmes.
En tant que femme, vous vous êtes battue, aussi bien pour vous que pour les autres…
YH : Je me battrai toujours pour que les femmes soient fières d’elles et pour qu’elles n’aient pas le sentiment de dépendre de quelqu’un. J’ai créé « Femmes Leaders » pour les rassembler, par exemple. Je n’ai qu’un message à leur adresser : allez-y, foncez !
Dans vos différentes vies, avez-vous fait des rencontres que vous n’oublierez jamais ?
YH : Oui, des rencontres ont marqué ma vie à tout jamais. J’ai eu l’immense chance de rencontrer sa sainteté Jean-Paul II à la fin des années 80. Mon père Louis Jung, alors président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’avait reçu dans son bureau à Strasbourg. Nous n’étions qu’une dizaine de personnes. Il a pris mes mains dans ses mains et a béni mes enfants. Autrement, je me souviendrai toujours de mes rencontres avec Christine Lagarde, le président Pierre Pflimlin, mais aussi de nombreux artistes et musiciens.
En 2020, vous avez été hospitalisée à cause du covid. Comment se remettre sur pied après une telle épreuve ?
YH : Pendant ces dix-sept jours où je suis restée bloquée à l’hôpital, j’ai enchaîné les complications. Je me suis rendu compte de la fragilité de la vie et qu’il ne faut pas perdre de temps avec les futilités. Une phrase de Christian Bobin dit que « la vie est un cadeau dont je défais les ficelles chaque matin ». Voilà l’état d’esprit qui m’a aidé à traverser cette épreuve. Un de mes fils m’a même dit « merci de te battre pour nous ». La vie vaut la peine de se battre, par amour pour les autres. Beaucoup de salariés m’ont envoyé des messages. Certains m’ont même envoyé des bouquets virtuels. La brasserie est une grande famille. J’ai été très touchée.
L’actualité la plus récente est sûrement votre décoration, reçue début décembre. Qu’est-ce que ça fait d’être décorée Officier de l’Ordre national du Mérite ?
YH : Cette récompense est une réelle fierté. C’est une reconnaissance pour mon parcours de vie. Je la partage parce qu’on n’arrive nulle part tout seul. Il y a beaucoup de gratitude envers tous les gens qui m’ont entourée toutes ces années. Cette récompense rejaillit sur Meteor, ma famille et mes amis. Je ferai une fête à la Villa au printemps.
L’info en plus
En avril, la brasserie alsacienne devrait sortir quatre bières en bouteilles consignées de 33 cl : « L’IPA, la Meteor Triple, la Cerise et la bière de Noël sont concernées, détaille Édouard Haag, président de Meteor. C’est un modèle auquel on croit énormément. C’est à la fois plus économique et écologique, deux combats du moment ». La bière de printemps, elle, est déjà prête : « La recette n’a pas changé. Elle a toujours son côté floral et fruité », complète Édouard.