vendredi 22 novembre 2024
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Retour rue des fourmis #10 : Soleil

Il fait beau, allez jouer dehors ». Dehors, c’était la rue, devant le bloc sur l’herbe, ou derrière au jardin. Ou alors au Grand Champ de maïs à l’angle de la rue de Marienthal. Le Grand Champ est maintenant couvert de maisons individuelles. De l’autre côté, il y avait des jardins avec des groseilliers qui dépassaient du grillage.

Le « 1 » rue des Fourmis, c’était notre bloc puisqu’il n’y avait rien de construit avant. On jouait à la balle, à 1,2,3, soleil, parfois au foot. Nous étions dans la rue en toute sérénité, nous n’avions pas de pièges à déjouer, pas de méfiances à apprendre, il n’y avait pas de risques. Quand les tanks de retour de manœuvre du camp de Schirrhein passaient pour rentrer à la caserne, rue de la Caserne, les soldats s’arrêtaient pour jouer au foot avec les grands. Aucune voiture ne passait. Quand les tanks avaient trop abîmé la rue, les militaires refaisaient le macadam avec une énorme machine verte et jaune de la SIRA et un camion-benne qui versait le goudron chaud. Alors sur le macadam tout neuf et très noir on faisait des signes pour les jeux de piste. Avec les restes de craie que papa ramenait du collège, une croix pour fausse piste, un cercle pour message à trouver.

On faisait aussi des courses de vélo. On avait deux vélos pour tous les enfants du bloc, celui de ma mère, qui avait de grandes sacoches pour mettre les jambes, on était assis sur le porte-bagages et celui de mon père avec une petite selle enfant sur la barre. Et comme la barre était trop haute, il fallait se déhancher pour passer en dessous et arriver à pédaler. Il fallait aussi que quelqu’un tienne le vélo pour démarrer et pousse un peu au début de la course. Les vélos des parents, il ne fallait pas oublier de les ranger le soir dans la cave, et si c’est papa qui le faisait, il défalquait un franc des cinq d’argent de poche de la semaine.

Je garde encore la cicatrice des gravillons de la rue des Fourmis sur la peau de mon genou droit, souvenir d’un jour de beau temps.

Ambroise Perrin

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