Il est des nuits comme des tragédies qui amputent les cœurs et portent en elles de lourds secrets qui donnent aux plus jolies berceuses un air tragique. Il y a cette mère au regard vide et ce père parti vers la ville de Tanger noyer son chagrin et ses rêves. Il y a une famille prise en otage par le malheur et la main d’Amir 10 ans unie à celle de son grand-père, dans la beauté du lien intergénérationnel et de cet attachement à leur terre ocre. À Inzerki, ce village du Haut Atlas marocain, les abeilles virevoltent et le rucher collectif porte en son sein l’âme des traditions et des légendes. De ce lieu qui recèle tant de mystères, là où le miel est un nectar sacré, Amir tente de retisser son histoire au contact de la nature et de panser les tourments d’une mère mutique. Les abeilles savent et dans leur danse vient se dire la puissance de la nature dans ce qu’elle porte de sauvage et de mystérieux. Alors quand le réchauffement climatique assèche la terre, que peu à peu les abeilles se meurent, que le sol tremble, menaçant l’équilibre du village, c’est toute la vie dans ce qu’elle a de merveilleux et de précieux qui se voit amputée. De cette terre qui peu à peu se craquelle, se révèlent alors dans le chaos d’une nature meurtrie, des secrets trop longtemps tus et des chagrins qui peut-être pourraient enfin se dire, permettant de faire rejaillir la vie autrement.
Zineb Mekouar livre un texte de toute beauté, empli de souffle et de puissance. Elle nous mène dans ce récit avec une véritable grâce, nous emportant sur les terres du Haut Atlas auprès de personnages qui portent en eux cette humanité qui les rend si merveilleusement attachants. L’autrice réussit à tisser autour de ce rucher qui existe et qui l’a inspirée, un conte qui nous questionne tant intimement que collectivement. Elle a su dans ce deuxième roman entremêler avec intelligence l’ombre à la lumière dans une danse portée par la nature. Dans cette importance de la transmission, dans cette main montrant le chemin, dans les tourments de vies humaines, l’écriture d’une grande justesse sonne comme une ode à la vie entêtante. Ce roman, tel un nectar précieux, se lit avec délectation.