lundi 30 juin 2025
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Cécile Guthleben – Madame cinéma

Devenue parisienne à l’âge adulte pour étudier le cinéma, sa grande passion, la Colmarienne de 38 ans reste attachée à sa région et à sa famille ; elle revient de temps en temps avec joie, comme l’année dernière où, invitée par son ancien lycée, elle a raconté sa carrière qui l’a menée de Canal + à Brut, avant de voler de ses propres ailes et de réinventer le making of. Dans la série Les Alsaciens à Paris, voici Cécile Guthleben.

C’est le printemps, il fait doux dans la capitale. Elle commande un grand crème et elle y va. Elle parle, les idées claires, sans temps morts, pas besoin de la pousser : son enfance à Munster, son bac cinéma, avant de quitter la région où elle se sent à l’étroit même si elle est très heureuse et fière d’être Alsacienne.

Elle s’installe à Paris pour la fac d’abord et des études de cinéma. Ce qu’elle aime, c’est écrire sur le 7e art, au départ elle veut devenir critique. Alors elle passe les concours des écoles de journalisme, mais impossible de se préparer suffisamment en travaillant à côté, elle rate tout, elle n’arrive pas à l’oral. Dans les couloirs de la fac, elle croise une prof qui lui conseille de faire un Master, et des stages dans la presse, histoire d’apprendre, les mains dedans. Elle fonce. Un Master et un mémoire sur la série Twin Peaks de David Lynch plus tard, elle tombe sur une annonce, il est question d’un stage au Grand journal de Michel Denisot sur Canal+, c’est la seule émission de télé qu’elle regarde. En 2009, elle passe six mois au département des fichistes : « Le plus bas niveau de l’échelle alimentaire à la télévision, et c’est aussi un job important, parce que si tu écris une connerie, c’est répété à l’antenne », raconte Cécile Guthleben, d’un air qui ne plaisante pas. Son stage se transforme en emploi, pendant deux ans elle apprend la hiérarchie de l’information, la synthèse, elle travaille vite et bien, ça remplace largement une formation. Elle se souvient qu’elle a mis du temps à accepter de faire comme son père, le journalisme est un domaine où le nom Guthleben est plutôt célèbre. Plus tard, elle est engagée par l’émission 28 minutes sur Arte qu’elle quitte au bout de deux ans sans avoir l’assurance de retravailler. Le métier a évolué, on embauche ceux qui savent manier une caméra. Alors elle fait une formation de JRI, journaliste reporter d’images, elle achète du matériel, elle fait du bénévolat, elle filme des festivals, des projets perso, elle galère, avant enfin d’être recrutée par Brut en 2017, lancé l’année précédente par quelques membres de l’équipe du Grand journal.

Elle devient journaliste généraliste, elle réalise des vidéos d’une minute diffusées sur Facebook. Pendant sept ans, elle connaît l’explosion de ce nouveau média en France, elle interroge Robert De Niro, Pedro Almodovar, Jane Fonda, et c’est elle qui est choisie pour couvrir le Festival de Cannes chaque soir en direct. Son souvenir le plus fou date de 2023 : Martin Scorsese vient présenter son dernier film avec Robert De Niro et Leonardo DiCaprio : « J’avais 11 ans lorsque Titanic est sorti. Tout a changé pour moi quand j’ai vu ce film. Je suis tombée amoureuse de DiCaprio comme toutes les gamines de 8 à 17 ans à cette époque. C’était une claque monumentale. Pour la première fois je me suis demandé comment on réalisait un film ». Elle fait de nombreuses recherches sur la jeune carrière de Léo et quelques mois plus tard, ses parents lui offrent le livre du making of de Titanic. À partir de là, elle commence à s’intéresser vraiment au cinéma et loue des cassettes au Vidéo club de Munster. Alors, ce jour de 2023 sur les marches cannoises, au-delà de la pression que lui mettent déjà les patrons de Brut, il faut absolument qu’elle fasse l’interview de la star de sa jeunesse. C’est l’occasion rêvée.

« Il y a une foule hallucinante, beaucoup de retard, je sais que pour obtenir des images, une interview, ça va être la guerre. Plus il y a du retard, moins j’ai de chances d’en avoir avant le début de la projection du film. Lorsque l’équipe arrive, mon cerveau se met en switch, la tension et le stress disparaissent, j’oublie tout, je vois DiCaprio occupé à signer des autographes quand Martin Scorsese s’avance, je me faufile, je me jette sur lui, il entend à peine ma question, mais il me répond, j’enchaîne très vite avec De Niro, et puis Léonardo arrive dans ma direction et je me mets à crier
« Leo, Leo, Leo we are live on Brut, we are live on Brut », il me regarde, il est face à moi, il est plus grand que ce que je pensais et je pose ma première question sur l’importance du film. Avant la deuxième, je suis interrompue par le protocole, je me retourne vers la caméra pour traduire ce qu’il m’a dit en anglais, l’émotion est si forte que les larmes montent, dans l’oreillette, mon producteur m’encourage, et je termine mon direct. »

« J’avais 11 ans lorsque Titanic est sorti. Tout a changé pour moi quand j’ai vu ce film. »

Jusqu’au making of

Des souvenirs avec des stars, elle en a beaucoup, à Cannes bien sûr, mais aussi à Marrakech ou à Deauville. Elle devient Madame cinéma de Brut. Mais sept ans de réflexion plus tard, elle s’interroge : c’est quoi être journaliste aujourd’hui ? C’est une vraie question. Est-ce que c’est faire des interviews d’acteurs pendant 10 minutes dans une chambre d’hôtel ou en bas des marches dans une logique de promo ? Elle a adoré ça, mais approchant dangereusement de la quarantaine, elle a envie de faire quelque chose pour elle. Un jour, à la terrasse d’un café, devant un grand crème, elle dit à une collègue que c’est quand même dommage que les making of aient disparu depuis que les DVD ne se vendent plus. Il n’y en a quasiment plus. « J’ai fait quelques reportages pour Brut dans les métiers du cinéma que l’on connaît moins et les sujets ont marché de ouf ». Son idée est de redonner vie au making of sur les réseaux sociaux, pour fabriquer des petites Cécile de 11 ans, les yeux grands ouverts qui rêvent devant les coulisses d’autres Titanic. Elle ne se souvient pas encore que sa mère voulait devenir photographe de plateau, qu’elle ne l’a jamais fait. Elle a un loyer acceptable à Paris, elle n’a pas de crédit, pas d’enfants, c’est maintenant ou jamais, et puis surtout, elle vient de traverser une épreuve personnelle très compliquée, la vie fait qu’elle a envie d’aller à l’essentiel. Elle quitte Brut et crée sa petite entreprise. « Je deviens une version 2.0 de celle que j’étais avant ». Au moment de cet entretien, elle a déjà travaillé pour quatre productions : Natacha (presque) hôtesse de l’air de Noémie Saglio, ou encore le prochain Arnaud Desplechin qui sortira à l’automne. Elle fait tout toute seule, elle tourne à l’iPhone (comme les sujets qu’elle faisait pour Brut), elle prend le son, elle monte le film. Elle fait revivre le making of qu’elle aborde avec son œil de journaliste pour des reportages de deux à quinze minutes, elle passe parfois une dizaine de jours en immersion sur le plateau.

Ses passions, ses envies, ses désirs, quand elle refait le fil de sa vie, elle se dit qu’elle a trouvé sa place, une caméra dans les mains, comme une évidence. L’étape suivante est déjà en marche. Depuis un petit moment, elle réfléchit à la réalisation de documentaires. Un jour, elle écrira le projet et elle ira au bout. Dans un coin de sa tête, il y a aussi une comédie musicale, car pour Cécile Guthleben, « la liberté c’est s’autoriser à « réaliser » ses
rêves ».

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