Alfonso Nsangu – Le Gospel en famille

De l’Angola où il est né en 1983 aux premières notes de gospel à la paroisse protestante de Hautepierre, puis des gradins de la Meinau aux scènes de stand-up, le maître de chœur des Gospel Kids a plus d’un talent dans son sac. Tour à tour cousin, grand frère, mais aussi papa de deux enfants de 13 et 9 ans qui chantent avec lui, il partage et donne le sourire. Marié à Flora, son âme sœur, Alfonso est à la vie comme à la scène, et se livre à cœur ouvert avant de fêter les 20 ans des Gospel Kids au Zénith le 26 mai.

0
1793
Le maître de chœur des Gospel Kids. / ©JMdeBalthasar
Votre famille a fui la guerre en Angola alors que vous aviez 5 ans, à quoi ressemblait votre enfance en France ?

Alfonso Nsangu : Ma famille est d’abord arrivée à Paris, moi, mes trois frères ; et ma sœur est née plus tard. Mon père trouve un boulot de frigoriste à Strasbourg, on emménage au Port du Rhin, dans une cité difficile où nos parents souffrent du racisme, puis à la Meinau. Ma scolarité est difficile, je suis en SEGPA, je me retrouve avec des bagarreurs et moi, je ne suis pas comme ça, mes parents me disent débrouille-toi. Ensuite on arrive à Hautepierre, où je rencontre le pasteur Frédéric Setodzo qui s’adresse à moi comme aucun autre adulte ne l’a fait. J’avais 14 ans, c’est comme s’il avait vu quelque chose en moi. Il me dit j’ai une chorale, j’aimerais beaucoup que tu viennes, mais moi je ne me voyais pas chanter. Je finis le collège et j’ai la chance de trouver un apprentissage en mécanique poids lourd. Un jour, je vois Sister act 2 à la télé, je suis subjugué par Whoopi Goldberg, cette bonne sœur qui se retrouve avec des jeunes difficiles à qui elle apporte de la lumière. Ça me fascine, je veux faire ça !

Qu’est-ce qui vous décide à pousser la porte de la chorale High Rock Gospel Singers à 17 ans ?

Alfonso Nsangu : Je pense qu’on est tous faits pour quelque chose dans la vie, et qu’il y a des signes. Un jour j’entends chanter à la paroisse de Hautepierre, et je suis frappé, c’est exactement Sister act ! Je suis touché en plein cœur. Le pasteur me dit, il était temps ! Mais je suis là et j’ai envie de chanter. Une nouvelle famille se crée, je fais un peu rire tout le monde, sauf une personne qui garde ses distances, c’est Flora. Quand je sens qu’un choriste n’est pas dans le même rythme, ça me lance un challenge, et Flora c’était pareil. Un jour on part en concert en bus, et la seule place libre est à côté d’elle, alors on discute des heures et le lien se crée. Je lui dis que je ne suis pas bien dans la mécanique, elle me dit de tenter autre chose et on crée les Gospel Kids ensemble. Je n’ai pas de mot, Flora m’a toujours soutenu…

Comment passez-vous de choriste à maître de chœur ?

Alfonso Nsangu : L’école du Conseil des XV cherchait des gens pour faire chanter douze classes. On se les répartit entre quatre choristes, moi c’est le lundi. J’ai super bien accroché, le fait d’avoir été jugé et d’être maintenant du côté du prof, c’était comme si je devenais quelqu’un. J’ai Sister act en tête, et humainement, je rigole, j’écoute, c’est la clé avec les enfants. Plus les mois passent, mieux c’est pour moi, pour les autres c’est difficile, ils arrêtent. Non pas que les enfants soient impolis, ils ont de l’énergie, et je préfère canaliser un groupe que le tirer vers le haut. Je ne lis pas les notes, mais je vis la musique, je laisse les enfants évoluer, si c’est faux, deux semaines après ce sera meilleur. Je suis bénévole et je me retrouve à faire chanter tous les enfants de l’école ! C’était tellement normal pour moi, je partais à vélo de Hautepierre, rien de fatigant, que du plaisir ! Plus qu’une chorale, c’est un lien, une énergie, un plaisir, sinon c’est un cours de chant classique.

En concert avec les enfants sur scène. / ©dr
Vous baptisez la chorale Gospel Kids en 2004 pour un concert au Pavillon Joséphine et votre premier CD. Qu’est-ce qui change ?

Alfonso Nsangu : C’est peut-être le plus beau des concerts parce qu’il n’y a pas de calcul, on voulait juste chanter, devant un monde fou, une ambiance de dingue. Tout commence ici, avec les élus de la Ville qui sont choqués que je ne sois pas payé. On crée l’association et on est surpris par les subventions pour nos projets. La machine est lancée pour moi, je suis payé à mi-temps, jusqu’en 2009 quand Mathieu Cahn, un adjoint de Roland Ries, change notre vie. Il assiste au Palais des fêtes au concert avec 280 enfants sur scène, il n’a jamais vu ça. Il déduit qu’il est inacceptable que je travaille à côté, et je deviens salarié à temps plein de l’association. La même année, je me marie, et j’ai mon permis. Maintenant je fais tout en voiture et mon physique a changé (rires).

De ces dix premières années, quel est votre meilleur souvenir ?

Alfonso Nsangu : Quand j’ai quitté la mécanique, mon père ne m’a plus parlé pendant deux ans. Il avait le rêve d’ouvrir un garage en Afrique pour moi, et il en voulait au pasteur, et à Flora. En 2006, pour le spectacle Change le monde, je ne savais pas qu’il était là, il a mis le tee-shirt Gospel Kids et il m’a applaudi. J’ai pleuré devant le public. Il avait peur pour moi et là, il a validé mon choix, c’était exceptionnel, parce que j’avais besoin de lui.

Actuellement vous dirigez quatre groupes, à Haguenau, Hautepierre, à l’Orangerie et le groupe Génération Gospel Kids pour les plus de 15 ans, en plus de six écoles par an. Mais vous avez aussi un rôle au Racing ?

Alfonso Nsangu : Oui, en 2014, je vais faire chanter les jeunes du centre de formation comme bénévole. Anthony Caci en faisait partie, il s’en souvient ! Puis ils cherchaient quelqu’un en Family zone pour animer, ça fait sept ans, ça se passe super bien. Arrive le covid, et plus de Gospel Kids pendant un an et demi… J’appelle Marc Keller, qui me fait signer un contrat de référent socio-éducatif de la FFF. Là je passe à des garçons de 15-20 ans, dans un autre monde, je deviens le grand frère, j’ai l’impression de renaître, je découvre leur musique, et moi je leur fais découvrir des associations, un pote pompier, etc.

Sans oublier que vous vous lancez dans le one-man-show…

Alfonso Nsangu : Oui, ma première scène c’était pour les commémorations des attentats de Strasbourg en décembre 2023. J’ai dit que j’étais là par accident, parce que tout le monde avait refusé, et qu’en plus, ma fille a dit, Papa, tu fais même pas rire. Évidemment le public a ri ! J’ai enchaîné avec mon sketch où je chante D’r Hans im Schnockeloch… En réalité, ça fait 20 ans que je fais du stand-up à petite dose en concert, et j’ai longtemps hésité à me lancer. Mais voilà, je serai au Delirium à Strasbourg, le 24 avril à 21h.

Au Stade de France en 2007 pour le match France-Maroc. / ©Photo extraite de Alfonso et les Gospel Kids, Éditions du signe, 2011
La scène du Zénith, le 26 mai, se prépare activement. Vous fêtez les 20 ans des Gospel kids avec l’association La main du cœur ?

Alfonso Nsangu : Le dixième anniversaire nous a coûté plus qu’on imaginait, on ne voulait pas revivre ça, il nous fallait un gros partenaire. C’est comme ça qu’on a rencontré Dédé Bernard, le président de La main du cœur, et comme le concert est le dimanche de la fête des Mères, il a proposé que tous les enfants des foyers soient invités par la Région. Son association gère le financement global de 138 000€ et nous, le côté artistique. On a bossé comme des dingues en studio, pour que les 200 enfants qui vont venir sur scène travaillent sur les mêmes morceaux. Il y en aura 20, et 12 sur le CD mis en vente. On va raconter l’histoire des Gospel Kids avec des séquences vidéo et des morceaux comme Donnons-nous la main, Être libres, Makétoumé… avec une équipe de six musiciens. Et on a invité Colonel Reyel pour chanter Ma star.

Comme quoi, on peut arriver au Zénith en partant de loin…

Alfonso Nsangu : J’ai compris que la musique n’était pas seulement liée aux notes, mais surtout à l’énergie. J’ai encore revécu Sister act, entre le stade de France, le plateau de Michel Drucker, Nicoletta, Christophe Willem, Chimène Badi, Yannick Noah, le nombre d’enfants, les témoignages, manger avec eux à 10 puis à 30 ans… Si on fait un jour un film de ma vie, ce sera mieux !


En chiffre : 12 000

C’est, à mille près, le nombre d’enfants qui ont chanté avec les Gospel kids en 20 ans !