Alsace – Des contes lettons pour colorer la vie

Les Contes des couleurs avaient déjà été traduits en français pour une version bilingue en Lettonie, mais il aura fallu attendre l’impulsion de l’éditeur Pierre Marchant (Le Beau jardin), pour reprendre le recueil du poète et écrivain Imants Ziedonis ((1933-2013) en France, 50 ans après sa parution. L’illustration a été confiée à Vlou : son interprétation dessinée est fascinante.

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Les Contes des couleurs égrènent les émotions de la vie. / ©Dr
Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez découvert ces contes philosophiques ?

Vlou : Un foisonnement absolu ! Imants Ziedonis est un auteur qui modifie notre point d’observation et nous place dans la peau d’objets, de concepts, on est la gentille pollution attaquée par la méchante forêt, puis cela s’inverse, on devient la forêt salvatrice… C’est drôle et sensible, il y a l’aspect narratif qui touche rapidement les enfants et l’aspect philosophique, les adultes.

Comment avez-vous procédé ?

Vlou : Mon objectif, quand je suis face à plusieurs histoires, est de chercher ce qui les relie, parce que ce n’est jamais innocent. Je l’ai trouvé page 10 dans la phrase : « Je suis le gris. J’aide toutes les couleurs. Si elles ne le savent pas elles-mêmes, je les fais ressurgir pour que tous les regardent ». Cette phrase résonne en moi comme l’éminence grise, c’est la transmission qui aboutit à ma petite grand-mère dessinée à côté en train de tricoter. C’est elle qui sait et qui va essayer de transmettre.

Et finalement vous tissez le fil de l’histoire d’une vie…

Vlou : Chaque conte a son émotion, c’est un moment de la vie. Le Conte rouge c’est la jeunesse, la fougue, le bleu c’est l’espoir, mais aussi la solitude, le blues. Donc les fils du tricot commencent à s’échapper et courent de page en page, chaque fil de couleur constitue son conte. Et en fait tout le livre est construit comme un leporello, un livre-accordéon, qu’on pourrait imprimer comme une seule page de plusieurs mètres… On traverse des âges différents, et le dernier, c’est le Conte bigarré, où les fils reviennent tous. En page 75, cette phrase est la clé de voûte de l’interprétation du livre : « Les gens disent : une vie colorée. Cela signifie qu’il y a eu des jours blancs et des jours noirs […] Demandez à la grand-mère qu’elle vous raconte. Elle dit souvent : en voir de toutes les couleurs […] Elle a eu une vie longue et colorée ». Quand vous tournez la page, les fils de couleur se sont rejoints et vont fondre à nouveau dans le tricot, et redevenir gris : vous venez de traverser une existence entière.

L’info en plus

Gita Grīnberga est traductrice littéraire, elle habite Riga et a traduit Ziedonis avec Hélène Challulau, qui fut son étudiante. « Ziedonis est un auteur très apprécié chez nous, une figure importante depuis l’indépendance. Pour la traduction, il a fallu être attentif et créatif, il y a beaucoup d’allitérations et de jeux de mots. Pour le Conte rouge, les noms sont des synonymes du feu, Guņtina, Gundariņs, mais on n’a pas trouvé de prénom français équivalent. Cela amène un peu de sons lettons. »