Celui qui rêve

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Tu fais quoi samedi prochain ? j’ai demandé sous la pluie à ma voisine. J’hiberne, pourquoi ? elle m’a rétorqué. Alors j’ai dit que j’étais hypersensible en ce moment, que c’était la journée des célibataires, qu’au lieu de scroller sur Tinder à la recherche d’amies et plus si affinités, on aurait pu dîner ensemble dans un bistrot à la mode. Elle m’a répondu qu’elle était en deuil, qu’elle ne se remettait pas de la disparition de Matthew Perry, le Chandler de Friends, qu’elle possédait l’intégrale de sa série culte en DVD, qu’elle regardait chaque redif, qu’elle avait l’impression que les héros étaient ses meilleurs potes et même ses ex, que perdre Chandler, c’était New York sans « Central Perk » le QG des six héros, l’Italie sans Venise, les cinq grandes villes d’Alsace sans Colmar.

Mourir à 54 ans dans la solitude et son jacuzzi, quelle tristesse ! J’ai répondu que moi aussi j’étais triste, par solidarité, n’ayant vu que des morceaux d’épisode de Friends, que de toute façon j’étais à fleur de peau en ce moment, que j’avais même été ému par une pub pour des croquettes pour chat, un père qui garde les animaux de sa fille et qui retrouve goût à la vie, « Partageons une vie meilleure », etc., c’est putassier, mais ça marche à fond les bons sentiments.

Tout le contraire de Friends qui me fait toujours rire, a ajouté ma voisine. Les 236 épisodes sont des remèdes contre la déprime, mais sans Chandler, ça va être compliqué ! Alors ta fête des célibataires, OK allons-y, j’aurais peut-être le sentiment de vivre dans Friends pour un soir. Et puis samedi c’est l’Armistice, si ça pouvait inspirer le monde, ça serait bien, elle a conclu avant d’ouvrir son parapluie et de disparaître de mon rêve.