Des familles alsaciennes déchirées dans la tourmente de la guerre

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La Première Guerre mondiale éclate le 3 août 1914 alors que l’Alsace-Moselle est annexée à l’empire allemand depuis la défaite de 1871. Bien avant la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France, nombreux sont les Alsaciens refusant le joug prussien.

Certains ont quitté leur terre natale à destination de Paris, d’autres villes françaises ou encore d’autres continents.

Des archives privées

Christian Wackermann, 48 ans, est originaire de Reichshoffen. Depuis de nombreuses années, il s’évertue à retracer l’histoire de ses ancêtres. Il a réuni de nombreux documents familiaux datant des 18e et 19e siècles. Recherches, discussions et regroupements d’informations lui permettent aujourd’hui de retracer le chemin de vie emprunté par ses ascendants avant, pendant et après la Première Guerre mondiale. « Enfant, leurs histoires me passionnaient. Je m’asseyais avec eux et ils me racontaient des histoires, un oncle qui a combattu en 1914 sous l’uniforme allemand ou un neveu qui lui a combattu sous l’uniforme français », raconte Christian Wackermann qui livre les histoires retraçant les destins de Georges Rombourg, l’oncle de sa mère, Marguerite Wackermann née Rombourg, et de Luc Philipps, l’oncle de son père, Jean Wackermann. Et de Maurice Casey, de Ferdinand Kirschhoffer, cousin et oncle de sa grand-mère paternelle.

Sous les drapeaux français et allemands : la croisée des destins

Leur histoire commence après la défaite française face à la Prusse.
Le 10 mai 1871, le traité de Francfort cède l’Alsace et la Moselle à l’Allemagne. Plusieurs membres de la famille décident de s’exiler. Certains à destination de Paris, d’autres traversent l’Atlantique vers les États-Unis ou décident de rester. Naissance, mariage, décès, la vie continue.

Le 3 novembre 1896 à Reichshoffen, dans le Kreiss de Haguenau, naît Georges Rombourg, l’oncle de la mère de Christian Wackermann. Il est ami avec Luc Philipps, l’oncle de son père. En 1914, ils sont incorporés dans l’armée allemande et partent à la guerre. Combats après combats, ils atteignent le front de Russie où Georges Rombourg trouve la mort le
2 mars 1917. Son certificat de décès est établi dans un hôpital militaire le jour suivant. Un certificat de reconnaissance est signé par le Ministre de la Guerre le 8 avril 1917 et est remis par voie postale à ses parents le 6 mai de la même année.

Maurice Casey, le cousin de la grand-mère paternelle de Christian Wackermann, est né à Paris. Sa mère, Eugénie Kirschhoffer, a quitté sa terre natale après 1871. Les échanges et les déplacements sont nombreux entre Paris et l’Alsace du Nord (de nombreuses cartes postales des années avant-guerre en témoignent). En 1914, Maurice Casey est mobilisé par l’armée française. Il incorpore le 146e Régiment d’Infanterie (RI) à Castelnaudary puis le 273e RI. Il est porté disparu le 2 juillet 1916 sur le Chemin des Dames, dans l’Aisne, où la guerre des tranchées fait rage.

Son oncle, Ferdinand Kirschhoffer, l’oncle de sa grand-mère paternelle, est resté en Alsace du Nord annexée. Il se marie avant-guerre à Catherine d’origine allemande. Début août 1914 (date du 4 ou 5 août non définie), dans les premiers jours du conflit, il est tué lors de combats. Le fils de Catherine et Ferdinand, Albert, naît le 10 août 1914. À la fin de la guerre, Catherine est expulsée du territoire, car elle ne répond plus au critère de rattachement à l’Alsace. Elle s’installe alors à Koblenz en Allemagne avec son fils où ils écriront une nouvelle page de leur histoire.

Auguste Steibel et Joseph Gstyr, cousins des grands-parents maternels de Christian Wackermann, ont aussi perdu la vie lors de combats. La folie des hommes a déchiré de nombreuses familles alsaciennes et mosellanes. Certains sont tombés pour la France, d’autres pour l’Allemagne. Ils avaient le même sang.