Enflammée

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S’il y a un mot que déteste par-dessus tout ma voisine, c’est « rentrée ».

Toute cette agitation, alors que l’on a encore les yeux derrière nos lunettes de soleil et les doigts de pieds à la plage, ça la déprime ma voisine. L’eau bleue de ses vacances n’est plus qu’une vague idée, elle regarde même sa bouteille d’Arpic gel surpuissant avec nostalgie en pensant qu’elle a une vie de merde, elle a envie d’étrangler son réveil et pas envie de faire sonner son patron.

Alors, lorsque je l’ai croisée l’autre matin de bonne heure, elle n’était pas de bonne humeur. C’était la rentrée et la veille, elle avait regardé la finale de la Coupe de monde féminine jusqu’à la remise du trophée et ce fameux baiser sur la bouche de l’attaquante Jennifer Hermoso par le président de la fédération espagnole. Le type s’autorise à embrasser une femme devant des millions de personnes et il trouve cela « positif », quel idiot, a dit ma voisine. En 2023, on ne peut plus faire ça monsieur, on ne pouvait pas avant, mais comme personne ne disait trop rien, ça passait, maintenant c’est fini. Il faut juste que ce genre d’homme comprenne, et contrairement à la Coupe du monde, pour lui c’est pas gagné. Ces histoires mettent ma voisine dans des humeurs de rappeur.

Heureusement, elle pourra bientôt se consoler en allant à la Foire européenne sans artiste aux propos ambigus, mais avec Jeanne Barseghian qui a plutôt réussi ses dernières sorties. Elle pourra aussi aller voir la Palme d’or de Justine Triet au ciné, sans masque pour le moment, car on entend dire que le virus fait lui aussi sa rentrée ; contrairement au dirigeant espagnol, le covid ne vit pas sur une autre planète.