Frantisek Zvardon Son regard, qu’il porte sur le monde

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André Muller a rencontré le photographe Frantisek Zvardon. / ©dr zvardon

Un peu de bla, bla, avant de poursuivre mon billet au max du Maxi-Flash. Aujourd’hui, tout le monde sait faire des images, des photos avec son portable. Nous sommes tous des inconditionnels « iphonologues »… Ce satané portable nous poursuit, nous dérange très souvent. C’est vraiment notre cordon ombilical, un chapelet qui s’égrène à longueur de journée !

Comment s’en passer ? Tous les portables sont d’excellents appareils photo, trois objectifs, des processeurs ultrasensibles, en un clic vous faites des images comme des professionnels, un studio photo qui tient dans votre main. Imaginez un peu le nombre d’images qu’emmagasinent par jour tous les milliards de portables autour de la Planète bleue ! Mais, tout le monde n’a pas le sens de l’image : savoir observer comme un regardeur, attendre l’émotion, avant de déclencher.

Et là, les Maxi-Läser, je va vous présenter le gratin des photographes. Vous le connaissez tous, il est l’œil de notre monde. Son nom : Frantisek Zvardon. Il est slave, baroudeur, chapeauté, pantalon cargo, grosse pompe, mal rasé, l’œil espiègle, malicieux. L’Indiana Jones des globe-trotters, avec ses appareils photo, ses éternels Leica en bandoulière. J’ai rencontré pour la première fois ce grand Homme, de grande taille, par un froid de canard sur la terrasse de la cathédrale. Je faisais le A’Gueter de France 3 avec mon équipe de tournage, une séquence sur le toit du Seigneur. Nous dégustions une choucroute aux trois poissons avec Guy-Pierre Baumann et son chef Hubert Lépine. C’était le mois de février 2004, si ma mémoire est bonne. Là-haut, un grand soleil d’hiver illuminait Notre Grande Dame et sa robe en dentelle, brodée en grès rose des Vosges ! Température négative -12, un moment unique et délicieux. Monsieur Guy-Pierre Baumann aux joues roses de froidure était aux anges. C’était le plus beau jour de sa vie, nous disait-il à la caméra. C’est dans cette ambiance matinale que j’ai rencontré Zvardon, le Regardeur, Frantisek, Z comme Zorro ? Il déboulait de la flèche comme un cheval fougueux, emmitouflé dans sa parka verte, bonnet à pompon sur sa tête, mitaines en laine, l’index apparent, évidemment pour dégainer, toujours prêt à shooter, clic, clac ! Il préparait son futur livre à images, sur la Grande Dame, Secrets des cathédrales, paru aux Éditions du Signe. Frantisek avait les clefs de la cathédrale, Monseigneur Jean-Pierre Grallet, le patron des églises avait une confiance totale en cet Homme. Frantisek y passait ses jours et ses nuits à tout photographier, par toutes les lumières, nuit, jour, jour et nuit, orage, vent, soleil, brume. Il est infatigable, intarissable, inoxydable, inaltérable, des adjectifs en rimes, que diable ! Mais vraiment justifiés.

Frantisek Zvardon a sillonné le monde, mais n’est pas rassasié d’Alsace./ ©dr

La photo pour la rencontre

Frantisek a une histoire très intéressante, il est né en Tchéquie, son père étoile du même prénom, offre à son jeune fils un appareil photo argentique, russe, la copie conforme d’un Leica avec un objectif 50 mm. Cet appareil affectif a déclenché en rafale sa grande passion. Voilà c’que je veux faire, être un regardeur, partir, voyager, apprendre, rencontrer l’autre. Il a fait de brillantes études d’Art à Prague, formé à la Grande École de Vylvarné Fotographie à Brno. Les professeurs lui disaient tous « Frantisek ! Vous êtes un photographe talentueux, prometteur, mais pas que, vous êtes aussi un grand poète ». Gonflé à bloc, il parcourt le monde avec la passion des paysages, l’amour des Hommes. Comme le reporter Tintin de Hergé, il part au Congo, au Yémen, au Cameroun, en Éthiopie, en Amérique du Sud, en Bolivie au lac Titicaca, Frantisek dort à la belle étoile sur un lit de roseaux. Chaque reportage est une réelle aventure. Il œuvre à travers le monde pour d’innombrables éditeurs en France. Il est missionné par de nombreux journaux, magazines, cet attrapeur de rêves publie plus d’une centaine d’ouvrages, obtient plusieurs récompenses internationales : UNESCO-FIAP Vancouver 1976, Olympus à TOKYO 1990, à New York 1998. Après avoir sillonné le monde, il a posé son regard, sa musette et son fidèle Leica dans son extraordinaire jardin, son trésor, le Kochersberg. C’est là que j’ai rendez-vous avec le grand maître, il habite à Ittenheim, dans une belle maison à colombages. Je frappe trois coups, toc, toc, toc, avec un anneau en bronze fixé à une vieille porte en bois de châtaignier. La journée est merveilleuse, un ciel bleu sans aucun nuage, son cerisier devant la porte est en fleurs, ça sent le printemps. La porte s’ouvre en grinçant.

Güte morje Frantisek, ça m’fait plaisir de te rencontrer, enfin.
– Mon cher André, Bobrï-Den, merci d’être venu dans mon jardin d’Eden. Viens, entre dans ma stub.
Sich so heimlich chez toi, Frantisek !
Alors, comment tu gazouilles dans ton monde ?
– Tu sais le Maxi-Trotteur, je suis tellement heureux d’être alsacien d’adoption, j’aime cette région, je photographie cette Alsace de long en large, je ne suis jamais rassasié, une vie ne suffira pas pour la découvrir, l’Alsace est un vrai filon pour un faiseur d’images.
– Un photographe guette les lumières idéales ?
– Oui, c’est indispensable d’attendre le bon moment, de déclencher quand l’émotion te submerge, je peux sortir vingt fois par jour pour scruter, mirer à travers mes optiques, pour saisir l’instant, le moment décisif.
– Que retiens-tu Frantisek de toutes tes rencontres, de toutes les images que tu as engrangées autour du monde ?
– C’est avant toute chose la rencontre des hommes, leur regard, leur sourire, leur tristesse, leur joie. D’Éthiopie en Islande, en passant par le Groenland. L’être humain est fantastique, étonnant, je puise mes énergies photographiques dans l’encre de leurs yeux.
– Waouh, joliment dit le poète. Je sais que tu es souvent dans le Grand Nord en Islande, là où brille l’étoile Polaire.
– Tu sais, mes racines me chatouillent de temps à autre, mes ancêtres, les Zvardon étaient des Vikings, des guerriers robustes avec de grands yeux bleus perçants, les Norsemen.
– Quels sont tes projets ?
– Je veux retourner sur la terre de mes aïeux, finir un livre sur les aurores boréales, j’aime le grand froid, tu sais bien ! Le froid conserve André !
– Mille mercis, Frantisek, pour cet instant si chaleureux et si intense. Tu es une belle personne rare, emplie de lumière.
– Reviens quand tu veux André, il suffit de toquer à ma porte, elle sera toujours grande ouverte pour toi.
Je repars tout émotionné vers une autre destination dans un autre recoin de notre petit paradis alsacien, chers Maxi-Läser. A’ plume wassss !!!

André Muller, le Maxi-Trotteur