mercredi 13 novembre 2024
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Fromage blanc – Bibbeleskas

Sa petite acidité rafraîchissante va bien à l’été. Au temps des moissons, nous mangions le Bibbeleskas au goûter, tartiné sur du pain, à l’ombre de la cuisine aux volets clos, le temps d’une pause.

Le Bibbeleskas fait l’unanimité en toutes saisons. S’il aime l’été, il célèbre aussi le printemps avec l’arrivée des premiers oignons blancs et des radis. Et dans la saison froide, il réchauffe avec les pommes de terre braisées, ou en robe des champs, qui l’accompagnent.

J’aime repenser au rituel lié à sa préparation. Il fallait d’abord chercher le lait chez le fermier avec le pot à lait, puis le passer au tamis pour en ôter les impuretés, le verser ensuite dans une cruche à lait en grès de Betschdorf. Le lait n’était ni chauffé ni bouilli. On le laissait reposer cru à température ambiante. Au bout de quelques heures, on assistait au phénomène du crémage, de la crème qui se concentre à la surface et que l’on peut alors aisément retirer avec une cuillère, et découvrir le contraste entre la blancheur de la crème et la teinte légèrement bleutée du lait. Il faut ensuite attendre que le lait caille naturellement. Cela va bien sûr plus vite dans la saison chaude.

Maman versait le lait une fois caillé dans un tamis dans lequel elle avait posé une étamine de tissu blanc. Le fromage tout frais s’égouttait lentement et lâchait son petit lait. Ce fromage blanc récupéré était versé dans un saladier et attendait alors d’être assaisonné et accompagné. L’ail est un élément important pour lui donner sa saveur et du caractère. Tout aussi importante est la ciboulette, finement ciselée, si possible fraîchement coupée, délicate avec son goût mêlé d’échalote et de poireau.

C’était joie au printemps de servir le Bibbeleskas avec les premiers oignons de mai que mon père aimait dessaler en leur ajoutant… du sel. Il s’agit d’entailler horizontalement les oignons en coupes successives sans aller jusqu’au bout de l’oignon pour pouvoir le maintenir entier.  Du sel fin est introduit dans ces entailles à l’aide d’une lame de couteau. Ces oignons sont mis à reposer pendant une heure environ, puis pressés. Il en sort alors un jus visqueux. L’oignon, ramolli, n’a plus la belle allure du départ, mais il a gagné en douceur, il a perdu en salinité et s’associe agréablement au fromage blanc et aux pommes de terre. Le fromage blanc célèbre aussi les premiers radis roses, qui apportent leur croquant légèrement âcre.

Il fallait d’abord chercher le lait à l’étable à l’aide du pot à lait. / © Bruno de Pixabay

De quelle sorte de pommes de terre l’accompagner ? Il y a ceux qui sont convaincus qu’il faut des pommes de terre en robe des champs, d’autres qui préfèrent les pommes de terre braisées, parfois revenues avec des lardons fumés. Car le goût du fumé va bien au Bibbeleskas. Voilà pourquoi certains l’aiment accompagné de fines tranches de jambon de Forêt Noire.

Le Bibbeleskas fait maison est légèrement grumeleux. Il n’est pas lisse et la texture qui s’en rapproche le plus dans le commerce est la faisselle, dont le nom désigne le petit panier spécifique dans lequel s’égoutte le fromage blanc.

Il me reste à vous dire pourquoi le fromage blanc est désigné par le mot Bibbeleskas, littéralement « fromage de poulette ». Il contient le mot Bibbele, car autrefois on nourrissait les poussins de fromage blanc bien égoutté, presque sec.


Les oignons sur du papier journal

Lors de la réalisation en 1993 par Marcel Ehrhard de cette photo pour le livre Les meilleures recettes d’Alsace, le photographe me raconta qu’il avait un souvenir fort de son père préparant les oignons entaillés et salés qu’il posait sur du papier journal pour les laisser dégorger. Cela ne correspondait pas à un souvenir pour moi, mais j’ai trouvé attachante cette idée, finalement concrétisée sur la photo.


 

Le vocabulaire alsacien lié au Bibbeleskas

s Mìlichkannel : le petit pot à lait
d’Mìlich sìbbe : passer le lait au tamis
d’Mìlich stelle : laisser reposer le lait
d’Mìlich gerìnne lonn : cailler le lait
d’Mìlich àbtropfe lonn : égoutter le lait
de Knëwli : l’ail
de Schnìttlauch, de Schnìttli : la ciboulette
d’Zìwwel, d’Maizìwwel : l’oignon, l’oignon de mai
de Raddi : le radis
d’gschwëllte Grùmbeere : les pommes de terre en robe des champs
d’gebraadelte Grùmbeere : les pommes de terre braisées
de Spack, d’Spackwìrfel : le lard, les lardons

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