Jean-Paul Meyer : la passion du Grand Geroldseck

Jean-Paul Meyer passe des journées entières au Grand Geroldseck qui surplombe son village, Haegen, non loin de Saverne. Voilà dix ans qu’il se rend là pour restaurer, avec d’autres bénévoles, ce château du 12e siècle classé aux Monuments historiques.

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Jean-Paul Meyer. ©S.Morgenthaler

Avec l’association Pro Geroldseck, créée en 2007, il met à jour des pierres enfouies, il déboise, il reconstruit, selon les conseils de l’architecte des Bâtiments de France, Pierre Dufour. Le travail a été productif. Le visiteur le remarque d’emblée. L’entrée principale est à nouveau libérée, elle qui pendant des siècles sommeillait sous des tonnes de terre.
C’est ici que Jean-Paul et la trentaine de bénévoles passent des heures à débroussailler, à démonter des parties écroulées, à numéroter les pierres puis à consolider et reconstruire les murs.

L’entrée du château dégagée, en 2020.
©jean-Paul Meyer

Jean-Paul, qui fut sa vie durant technicien de maintenance, parle avec enthousiasme de demi-sommiers, corbeaux, impostes, de barbacanes, de piliers nommés tabliers, de pierres à bosses et de pierres en arêtes de poissons. Ces termes archéologiques lui sont devenus familiers grâce à Bernard Haegel, un archéologue médiéviste bénévole. « Il est mort en 2020. J’ai tant appris de lui. Grâce à lui, on a dégagé l’entrée. Il faisait les rapports de fouilles. Il a mené un travail colossal. »

En juillet 2019, avec l’aide d’une entreprise spécialisée, assermentée pour restaurer le patrimoine, les bénévoles ont fait renaître le palas, une salle d’apparat du XIIe siècle, dont le mur extérieur est accolé au mur d’enceinte primitif. En 2019, l’association a aussi rétabli l’entrée originelle du château. Que de tonnes de terre à déblayer pour laisser à nouveau apparaître le mur d’enceinte primitif et l’entrée principale ! Une grande butte recouvrait cette entrée vers le château. Je m’en souviens bien, car, enfants, nous « montions » au Grand Geroldseck que nous considérions comme un terrain de jeu.

Le donjon, 22 mètres de haut et des murs de 3 mètres d’épaisseur. ©jean-Paul Meyer

En mai de cette année fut mis en place l’échafaudage pour la restauration du mur d’enceinte de l’angle nord-est après l’écroulement de mai 2021. Ces travaux sont réalisés par une entreprise spécialisée, et ce pour des raisons de sécurité. Ils sont d’un montant de
350 000 euros, dont 10 à 20 % doivent être trouvés par l’association Pro Geroldseck, le reste provenant de subventions.

Les explications de Jean-Paul permettent de visualiser le lieu autrefois : « Ici se trouvait la cuisine. Là on devine qu’il y avait deux citernes pour récupérer l’eau, là un escalier en colimaçon, et là, dans cette ouverture taillée dans la roche, on attachait les chevaux. Voici les caves du palais. Et ces marques de tâcheron taillées dans les pierres signent l’œuvre du tailleur, mais étaient aussi précieuses pour l’assemblage et pour la rémunération de l’artisan ».

Les arbres sont également les ennemis des vieilles pierres. Ils s’enracinent et distordent les constructions. Avec son tracteur, Jean-Paul a extrait diverses souches, et coupé des arbres qu’il débite ensuite. « Nous passons beaucoup de temps à ôter la végétation puis à « rocailler » pour empêcher que l’eau de pluie n’entre dans les murs et les distorde avec le dégel. Nous n’utilisons pas de ciment, mais de la chaux. »

Le mur reconstitué et le mur primitif. / ©Pro Geroldseck

Les arbres ôtés permettent à nouveau une vue, comme à l’origine, sur le château du Haut-Barr, tout comme sur la plaine d’Alsace. Celle-ci s’étale à perte de vue et permet de voir, selon la météo, côté est, la cathédrale, grande comme une allumette, et la Forêt Noire. Côté ouest, en empruntant l’escalier vers le belvédère, vous aurez une vue sur la vallée de la Zorn, qui mène vers Stambach et la Lorraine.

Jean-Paul monte régulièrement en rappel sur le donjon pour ôter le lierre et autres adventices qui reviennent sans cesse, d’année en année. Aguerri à la haute montagne au bataillon de chasseurs alpins de Briançon, il réalise avec aise ce travail de cordiste. Aussi est-ce lui qui planta le drapeau sur le donjon de 22 mètres de haut. Au début le drapeau s’enroulait sur lui-même avec le vent. « J’ai trouvé un système de roulement à billes fixé sur le mât pour y remédier », dit-il.  Ainsi, depuis sa maison, en contrebas dans le village, il le voit bouger au vent.

Ce travail de mémoire permettra aux générations futures de continuer à admirer ce lieu, à s’y ressourcer. Il y a tant de façons de laisser des traces. C’est assurément belle œuvre que de s’employer à sauver des lieux qui nous disent d’où nous venons, et qui, en nous parlant d’un temps lointain, nous font mieux sentir le présent.

Les fouilles en 2017. / ©S.Morgenthaler

Pour prendre contact avec l’association Pro Geroldseck et la soutenir : http://progeroldseck.free.fr/

L’info en plus

Le château du Grand Geroldseck se trouve sur les hauteurs de Haegen, entre le Haut-Barr et le Petit Geroldseck, dans la région de Saverne (Bas-Rhin). Il est du 12e siècle, l’un des plus anciens châteaux des Vosges. Son mur le plus ancien date de 1125. Les seigneurs du Geroldseck étaient des avoués de l’abbaye de Marmoutier qui faisait partie de l’évêché de Metz, alors que le Haut-Barr, château voisin, faisait partie de l’évêché de Strasbourg.