La dinde de Thanksgiving

Le 23 novembre, les Américains fêteront Thanksgiving. Ce mot signifie action de grâces. Outre-Atlantique, cette fête est plus importante que Noël. Elle réunit les familles autour d’un traditionnel banquet au cours duquel la dinde est à l’honneur. Et les Alsaciens expatriés adoptent généralement cette tradition avec joie.

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Une belle dinde même si elle ne pèse pas 20 kg comme au consulat des États-Unis de Strasbourg. Il faut 3 à 4 heures de cuisson au total pour une dinde de 5 kilos. Photo extraite de l’émission Sür un siess du 18 novembre 2006. / ©ina

Un coup d’œil jeté sur les menus des restaurants de Jean-Georges Vongerichten, l’Alsacien d’Illkirch-Graffenstaden, renseigne à ce sujet : ses douze restaurants new-yorkais comme ses quinze autres restaurants répartis dans d’autres états américains prouvent que, cette année encore, la dinde et Thanksgiving y seront célébrés en divers apprêts.

La plupart des Alsaciens de l’étranger que j’ai rencontrés aux États-Unis adhèrent à cette fête, par exemple Hubert Keller, de Ribeauvillé, devenu chef adulé en Californie avec son restaurant Fleur de Lys à San Francisco suivi d’autres, notamment du Burger Bar à Las Vegas.

Gérard Bechler, qui quitta en 1984 son poste de maître-pâtissier à l’Auberge de l’Ill à Illhaeusern pour créer une pâtisserie-salon de thé à Pacific Grove, au sud de San Francisco, m’a récemment raconté qu’en arrivant en Californie, il ne connaissait pas cette tradition. Il comprit vite son importance lorsqu’il fut invité à manger la dinde, souvent chez Mark Dirikson, viticulteur en Californie. Ce propriétaire de Mercy Wine, aujourd’hui disparu, vivait, comme Gérard, à Pebble Beach, dans les paysages de rêve que longe la route Seventeen-mile drive, proche de Carmel, cette petite ville dont le réalisateur Clint Eastwood fut maire.

La fête de Thanksgiving est étroitement liée à la naissance des États-Unis : les pères pèlerins (Pilgrim Fathers), chassés d’Angleterre, puis de Hollande, pour des raisons religieuses, embarquèrent en 1620 sur le bateau Mayflower, à la recherche d’une contrée où la liberté de culte que leur pays leur refusait serait préservée. Après un long et pénible voyage, ils débarquèrent dans un lieu qu’ils baptisèrent Plymouth en souvenir de leur ville d’origine en Angleterre.

La table de Thanksgiving de Mark Dirikson, viticulteur en Californie, ami de Gérard Bechler / ©Gérard Bechler

L’hiver qui suivit fut rude : plus de la moitié des colons périrent de faim ou d’épidémies. Les survivants étaient en bons termes avec les tribus indiennes avoisinantes qui leur apprirent à chasser, à cultiver le sol et à s’acclimater à cette région. Pour célébrer le premier anniversaire de leur arrivée, ils fêtèrent Thanksgiving-day avec les Indiens au cours d’une fête marquée d’un banquet, le premier Thanksgiving, en 1621, avec déjà une dinde au menu. La fête a toujours lieu le quatrième jeudi de novembre aux USA (et le deuxième lundi d’octobre au Canada).

La dinde est dégustée à partir de 14h. Elle est généralement rôtie entière et farcie, mais la recette change de région en région, ainsi que les accompagnements, qui oscillent entre macaronis, patates douces, haricots, courges, maïs, avec parfois une sauce aux airelles. Une tourte au potiron et un gâteau aux pommes et raisins secs (dit mince pie) sont servis en dessert. Aux États-Unis, on enregistre plus de 40 millions de dindes dégustées chaque année pour cette fête.

Je garde un souvenir intense de l’émission Sür un Siess qui fut diffusée le 18 novembre 2006 sur France 3 Alsace avec Christiane Schopp-Herrmann de Kilstett comme invitée. Aujourd’hui retraitée et se consacrant à sa passion de l’élevage de lapins de concours, elle travaillait alors comme gouvernante à la résidence du Consul Général des États-Unis d’Amérique. Cette fonction consistait à cuisiner pour le consul et ses invités et à assurer l’entretien de sa résidence. La consule était en ce temps-là Frankie A. Reed avec laquelle Christiane s‘entendait à merveille. Elle nous livra la recette de la dinde de Thanksgiving, farcie et rôtie entière au four que réalisa Hubert Maetz, mon complice de la série télévisée. La farce était à base de pain blanc, de pain au maïs, de sauge et d’oignons revenus avec du céleri en branche émincé.

L’accompagnement préféré de Christiane pour la dinde est une purée de patates douces parfumée à la cannelle, à la noix de muscade râpée et à la poudre de clou de girofle. L’originalité fut la poignée de marshmallows (des morceaux de guimauve) coupés en 4, gratinés sous le grill et posés sur la purée au moment du service.

Lorsque j’ai contacté Christiane pour cet article, elle présentait ses lapins à des concours à Aurillac et au Puy-en-Velay. Elle m’a rappelé que la première dinde de Thanksgiving qu’elle avait cuisinée pour la Consule pesait 20 kilos : il a fallu lui couper les pattes pour qu’elle entre au four ! Celle de Hubert Maetz pour l’émission de 2006 pesait 5 kilos et fut plus maniable.

La dinde est la volaille la plus maigre, c’est même la viande la plus maigre entre toutes. Si vous êtes au régime ou si vous surveillez votre taux de cholestérol, elle sera votre meilleure alliée. Qui osera encore associer cette volaille, star en Amérique, à une femme sotte et écervelée ? Comme les Américains, disons merci à la dinde. Thanks, dear turkey !

La recette de la dinde de Christiane Herrmann-Schopp évoquée dans cet article se trouve sur le site www.simonemorgenthaler.com