L’association « Dis bonjour sale pute » dit stop au harcèlement

Emanouela a 34 ans, elle habite Strasbourg, et essuie régulièrement des remarques sexistes, dont « Dis bonjour sale pute » dans la rue. En 2020, elle ouvre le compte Instagram du même nom pour libérer la parole des victimes, et trois mois plus tard, forte de 100 000 followers, crée l’association DBSP.

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Emanouela dans les rues de Strasbourg où les affichages ont fleuri pour la Journée des droits de la femme. / ©Dr
Y a-t-il plus de harcèlement de nos jours ou en prend-on seulement plus conscience ?

Emanouela : Le harcèlement a toujours existé, et les réseaux sociaux ont permis une libération massive de la parole depuis #MeToo ou #DoublePeine. Les victimes se sentent moins seules donc plus en situation de le revendiquer, et elles se rendent compte qu’elles peuvent être accompagnées. Avant, on ne validait pas leur parole en disant, oh lala tu ne devrais pas te plaindre, profites-en ! On a éduqué avec des comportements toxiques. Moi, un des films qui m’a le plus choquée, c’est Saturday night fever avec John Travolta qui viole littéralement des filles, et on en a fait une star !

Votre association Dis bonjour sale pute a compté 300 bénévoles depuis le début. Aujourd’hui, quels publics sensibilisent-ils ?

Emanouela : L’objectif était d’aller plus loin que les réseaux sociaux, qui touchent notamment les jeunes, pour qui les associations sont souvent mal vues ou vieillottes. On en profite pour faire de la prévention en milieux scolaire, associatif, pénitentiaire, dans les festivals, entreprises, colloques, etc., soit auprès de 75 000 personnes l’année dernière. En 2024, on est déjà à vingt interventions, c’est énorme ! Mais il y a une grosse différence entre les espaces urbains, plus sensibilisés aux violences sexistes, et les milieux plus ruraux, où les violences sont intra-familiales par exemple, ou le sexisme ordinaire, maman reste à la maison, un couple homo ne peut pas avoir d’enfants, etc. Donc on adapte le discours à l’établissement où on intervient.

Lors de la manifestation du 8 mars à Strasbourg, en soutien aux femmes. / ©Dr
Constatez-vous un changement de mentalité ?

Emanouela : On ne peut pas quantifier l’évolution psychologique des gens, en revanche les vraies différences qu’on note, ce sont les questions ou les comportements : à la fin de l’intervention, le regard a changé et la réflexion est là. Peut-être qu’on a posé une graine…

Pour s’inscrire à la newsletter www.disbonjoursalepute.com et sur les réseaux.

Les bénévoles sur un stand de prévention de l’association DBSP abordent aussi le consentement. / ©Dr

Faites le test

Emanouela suggère un petit test à réaliser auprès des femmes de votre entourage et surtout celles de plus de 50 ans, qui croient souvent ne jamais avoir été harcelées. Elle leur demande de noter les comportements sexistes qui leur reviennent et une semaine après, elles en parlent. « Je me suis rappelée d’une gifle; une fois, on m’a suivie ; on a soulevé ma jupe… » Emanouela constate qu’« elles ont oublié une chose extrêmement grave qui traumatise pour toujours, sous prétexte d’être une femme forte ».