Le manque de sommeil plombe la santé

Nous ne sommes pas égaux devant le sommeil. Alors que la sagesse nous dit que nous devons dormir huit heures par nuit, les recherches ont montré que la quantité de sommeil nécessaire à notre organisme varie grandement d’une personne à l’autre.

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Certains jurent qu’ils sont obligés d’augmenter la dose quand de petits dormeurs très rares se contentent de quatre heures. En réalité, un peu comme les besoins en chocolat, les besoins en sommeil changent tout au long de la vie. On fait le point au moment où la crise du Covid a changé bien des choses. Dormir sur ces deux oreilles n’est pas très simple en ce moment. Les Alsaciens dorment de moins en moins et de plus en plus mal. 

Il y a ceux en situation de manque chronique de sommeil et qui souffraient avant l’épidémie, et ceux qui connaissent depuis le confinement des problèmes comme des insomnies et des cauchemars inhabituels. Rester enfermé pendant une longue période a provoqué des changements de rythme et des angoisses qui ont certainement modifié notre sommeil. Le retour à la normale est parfois long. 

Le sommeil permet d’assurer de nombreuses fonctions essentielles. En être privé entraîne de nombreux effets sur la santé et la durée de vie. La meilleure approche pour déterminer le besoin de sommeil est de porter une attention particulière à la façon dont on se sent au cours de la journée, à notre humeur, à notre niveau d’énergie et notre état de santé général. En cas d’inquiétudes concernant son sommeil ou son niveau de fatigue, il est conseillé de consulter un médecin et un spécialiste.  


Roland Seibert 

Pneumologue spécialiste du sommeil
Espace sommeil et vigilance, à Haguenau.

Les troubles du sommeil ont augmenté pendant le confinement. Quelles en sont les causes ?

« En dehors de l’angoisse ou de l’inquiétude générée par la situation, c’est l’organisation de la journée, ce qu’on appelle l’horloge interne qui a été perturbée. Nous sommes des êtres humains rythmés diurnes. Le rythme est essentiel, en particulier celui établi par la société, c’est-à-dire le lever, les périodes d’alimentation, notre activité physique, nos relations avec les autres, etc. Pendant le confinement, quand quelqu’un qui avait l’habitude de se lever à 7h se levait à 9h, son horloge était désynchronisée, ce qui peut causer des insomnies. Avoir une bonne hygiène de sommeil est extrêmement important. Dans les écoles, dans les entreprises, il y a souvent des formations en hygiène alimentaire ; on devrait imaginer des stratégies équivalentes en matière de sommeil, expliquer comment ça fonctionne pour appliquer des règles simples et améliorer sa qualité. »

Si je vous comprends bien, pour bien dormir, il faut d’abord s’endormir puis se réveiller à la même heure tous les jours ?

« C’est exactement cela. Manger aussi à la même heure. Avoir un bon sommeil, c’est s’assurer d’une bonne qualité de vie pendant notre éveil. Le sommeil joue un rôle dans la stimulation de la fonction immunitaire, dans la cicatrisation, dans l’hormone de croissance chez l’enfant. Avec un mauvais sommeil, on manque d’énergie, des troubles de l’humeur peuvent aggraver une dépression. Cela intervient dans le métabolisme glucidique ; on s’est rendu compte que des pathologies du sommeil peuvent provoquer une prise de poids. Il n’est pas inutile de faire un bilan, car le centre du sommeil et le centre de l’alimentation sont voisins au niveau du cerveau. » 

À partir de quand, de quels constats, vient-on vous voir ?

« Pour l’essentiel, nous travaillons avec les médecins généralistes, les cardiologues nous envoient pas mal de patients. Nous pouvons recevoir des malades directement, mais il est préférable d’avoir un premier avis. La population qui vient nous voir est très variable: les personnes âgées, l’enfant à partir de deux ans quand il ronfle ou qu’il présente des troubles de l’apprentissage, il y a aussi les diabétiques car 25 % d’entre eux ont également une pathologie du sommeil, comme 50 % des patients hypertendus. Il est important de comprendre que les troubles du sommeil ne sont pas forcément liés à la fatigue. »  


La lumière bleue est-elle vraiment néfaste ? 

Son nom vient de sa longueur d’onde, comprise entre 380 et 500 nanomètres, soit la partie bleue du spectre lumineux. C’est la lumière visible la plus chargée en énergie, et elle a bien mauvaise réputation, elle fait même très peur. Elle existe sous forme naturelle dans la lumière émise par le soleil et sous forme artificielle dans les éclairages LEDS et les écrans. À votre avis, laquelle des deux est la plus néfaste pour l’être humain ? 

Lorsqu’elle approche le bleu turquoise, entre 470 et 500 nanomètres, la lumière bleue est bénéfique pour le corps, elle permet de régler notre rythme circadien (veille la journée, sommeil la nuit). Son effet est même positif sur le moral. La partie bleue violette du spectre, entre 380 et 470 nanomètres, serait nocive pour les yeux. Quant aux éclairages fluorescents et les LEDS qui composent les écrans, ils émettent une quantité de lumière bleue moins importante que le soleil, mais avec un pic de bleu violet et très peu d’autres couleurs. La lumière bleue inhibe la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil. Si la journée, elle permet de se réveiller et de s’adapter au décalage horaire, elle est à éviter le soir, car elle bouscule l’endormissement.

Quelques règles préconisées par les médecins. 

Fermer les volets la nuit, car une lumière très faible suffit à perturber l’horloge interne. Préférer les LEDS couleur « blanc chaud », moins chargées en lumière bleue que les LEDS couleur « blanc ». Pas d’écran deux heures avant de se coucher. Pas d’écran du tout avant 3 ans, et une heure par jour avant 12 ans, car le cristallin, la lentille de l’œil, est transparent chez les enfants, jusqu’à 6 à 10 ans, il ne filtre ni les UV du soleil, ni la lumière bleue. Un enfant qui est trop souvent sur un écran risque, une fois adolescent puis étudiant et adulte, d’être touché par une maladie du sommeil. C’est aussi un problème de santé publique qui pourrait nous éclater à la figure dans les années à venir.