Le secret des bredele

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En alsacien, le terme Bredele est un diminutif du mot brot, qui signifie pain. Le Bredele est donc littéralement un petit pain. Avant Noël, dans un nombre considérable de famille, on refait « ses » propres recettes, et depuis des siècles, mais quels sont les secrets que renferment ces petits gâteaux que nous aimons tant ? 

Avant Noël, tous aux fourneaux, mais avant, Maxi Flash vous propose un petit rappel historique, pour savoir où l’on met les doigts.

La star des petits gâteaux d’Alsace est toujours Suzanne Roth, élue meilleure gastronome d’Alsace il y a quelques années (presque rien), lauréate du concours du club Prosper-Montagnier pour ses recettes de la tarte au fromage ou du mendiant aux cerises. Ce n’est pas un hasard si les blogueuses, Leila Martin (jevaisvouscuisiner.com) en tête, en sont dingues. Ses recettes de nos grands-mères ont fait le tour de la région.

Son livre « Les petits gâteaux d’Alsace » (paru aux Éditions de la Nuée Bleue) est un véritable best-seller. Rares sont les cuisines alsaciennes qui ne sont pas équipées de cette « bible » de la reine des « Bredle » et autres petits plaisirs au beurre, au miel, ou aux blancs d’œufs. Dans ce livre, elle écrit : « À mes chers gourmands, il est très agréable d’offrir à ses hôtes quelque chose de plaisant, et c’est toujours avec une certaine fierté que la maîtresse de maison aime servir ses petits gâteaux qu’elle a confectionnés avec amour, avec passion, et qui suscitent tant de souvenirs. Nous ne pouvons imaginer Noël sans ces petites merveilles de toutes les formes que l’on appelle aussi solennellement Wienachtsbredle ».

Les conseils de Suzanne

Cette chère Suzanne nous donne même quelques conseils indispensables avant de commencer : préparer tous les ingrédients avant de faire la pâte. Pour battre les blancs d’œuf, ajouter toujours une petite pensée de sel fin, rincer également le récipient à l’eau froide, ils monteront mieux en neige ferme. Pour obtenir une dorure bien brillante, ajouter quelques gouttes d’huile au jaune d’œuf. La levure chimique doit être mélangée à la farine avant de l’ajouter à la pâte. Pour ramollir le beurre, le couper en petits morceaux, dans un récipient rincé à l’eau chaude. Attention ! Ramollir ne veut pas dire fondre ; pour faire fondre le beurre, l’opération se fait dans une casserole sur feu très doux. Pour peler les amandes, les tremper pendant 10 minutes dans l’eau bouillante, la peau s’enlèvera facilement en pressant l’amande entre le pouce et l’index. Préparer le sucre vanillé : mélanger les graines d’une gousse de vanille à 250 g de sucre et conserver dans un verre bien fermé. La pâte brisée ou sablée doit être travaillée avec les mains froides, et assez rapidement, afin que le beurre ne ramollisse pas. Repos de la pâte au moins 30 minutes. Préchauffer le four avant d’enfourner les petits gâteaux et les conserver dans des boîtes en fer blanc. Etc.

Avec ses conseils vous êtes parés pour réaliser des merveilles de bâtonnets aux noisettes, sablés aux amandes, petites couronnes au beurre, petits gâteaux aux noix, boules au chocolat, croquettes aux noisettes, boules de noix, bretzels sucrés, cornes aux amandes, petits gâteaux de Noël à la cannelle, étoiles au chocolat ou au citron, anneaux à l’orange, galettes à la crème, gaufres à la cannelle, madeleines, dents de loup, macarons aux amandes aux dattes ou au chocolat, tuiles aux amandes, tablettes de coings ou de pommes, pain d’épices, etc., etc.

Mes chers petits gourmands, je me permets de vous mettre l’eau à la bouche, mais pour votre plaisir, mettez la main à la pâte et faites des « Bredle » ! », nous conseille-t-elle.

Avant Noël, nous ne pouvons également nous référer au livre de Thierry Kappler
« Bredele d’Alsace, gourmandises et saveurs de mon enfance » (aux Éditions du Bastberg), 56 recettes traditionnelles de Bredele, consignées dans les cahiers de cuisine familiaux : Pain d’épices, Schwowebredele, Spritz, Butterbredele…

De petites pâtisseries tutélaires et bienfaisantes

Dans son ouvrage, « Bonheurs de Noël » (Éditions Pierron), Yolande Haag, évoque l’Alsace où « la magie opère peut-être plus qu’ailleurs. Ici, il règne encore l’esprit de Noël. Toute la région s’applique à préserver ce qui fait le bonheur des enfants et de tous ceux qui ont conservé une part d’innocence. Traditions, spécialités culturelles, arts populaires et spécialités gastronomiques s’allient harmonieusement pour faire de l’Alsace le pays de Noël par excellence ». Et Yolande Haag de rappeler : « Entre la Saint-Nicolas et Noël (période de l’avant), on prépare des petits gâteaux : les petits fours de Noël sont, par leur composition et leur forme, de petites pâtisseries tutélaires et bienfaisantes. L’étoile et les quartiers de Lune sont des signes cosmiques. Le poisson est l’emblème du Christ, le trèfle un porte-bonheur. Les gâteaux tressés en Croix, en couronne ou en escargot auraient le pouvoir de chasser les mauvais esprits de la maison. Initialement, ces petits gâteaux protecteurs se fabriquaient avec du miel, source de sucre, de vie et d’immortalité, et des épices capables d’éloigner les forces occultes. L’anis (Anis-bredle) quant à lui, était, paraît-il, du meilleur effet sur le cœur des jeunes filles », écrit encore Yolande Haag, qui n’oublie pas de rappeler que la bière de Noël fait évidemment partie de la fête.

Un moment de jeu et de convivialité

Dans leur livre « l’Alsace pour les nuls » Pierre Kretz et Astrid Ruff, classe les Bredele dans les dix spécialités alsaciennes, au milieu de la flammekueche, de la choucroute, du baeckeofe, du munster, ou du kugelhopf. C’est un rite dans les familles alsaciennes! Avant Noël, les maîtresses de maison « entrent en pâtisserie ». On se retrouve aussi entre plusieurs générations pour leur fabrication ; c’est l’occasion de rappeler le souvenir d’une grand-mère et d’une tante, qui faisait la recette avec plus ou moins d’œufs. C’est aussi un moment de jeu et de convivialité pour les enfants qui créent des cœurs, des cloches et des étoiles, grâce aux petits moules. Les Bredele donnent l’occasion aux excellentes pâtissières que sont les Alsaciennes de rivaliser en diversité et en qualité ! Le nombre de ses petits gâteaux est presque infini. C’est la profusion et la variété qui font leur valeur. On peut aussi les acheter dans toutes les pâtisseries d’Alsace, alors n’hésitez pas à déguster cette année encore, les Winachtsbredele… Schwowebredle, butterbredle, anisbredle, zimmetsternle, hirtzsternle, schankele, spritzbredle ou nusshifele.

Sur le site www.bredele.info, on apprend que les Bredele les plus anciens sont certainement les pains d’épices, connus depuis l’Antiquité. Avec la découverte des nouveaux continents et la démocratisation des bateaux marchands, de nouvelles épices étaient acheminées le long du Rhin. Les Lebkuechle qui signifie pain de vie étaient fabriqués par les moines dans les couvents. Ils avaient des vertus thérapeutiques et servaient à soigner les malades, dit-on.

En Alsace, on prépare des Bredele depuis plusieurs siècles !

Les premiers ouvrages qui relatent les recettes de Bredele dateraient du 16e siècle, avec les Zuckerbrot, les Mandelbrot, les Mandelschnitten, les Anisbrot. C’est durant ce siècle qu’apparaissent également de nouveaux ingrédients : les amandes, les noix, l’anis, la cannelle.

Dans un livre de cuisine écrit par l’abbé Bernard Büchingr en 1674, on trouve de nombreuses recettes, celle des Sprützen Küchlin notamment, des petits biscuits à base de farine, de lait et de graisse que l’on passe au travers d’une douille ; ils vont devenir les SpritzBredele, ancêtres des Bredele, qui, à cette époque, ne sont pas cuits dans un four, mais dans une poêle avec de la graisse. Plus tard, le beurre et le chocolat qui vont permettre de varier les plaisirs et d’arriver jusqu’à nous. Alors, avant Noël, il ne vous reste plus qu’à trouver votre recette pour que vos fêtes soient encore plus belles.