Il paraît que vous êtes un bien jeune scénariste, la BD n’a pas toujours été votre activité principale…
Et elle ne le sera qu’à partir de janvier 2023 ! Je mène une double vie depuis 26 ans : le jour, je suis consultant internet, spécialisé en visibilité des sites, j’ai d’ailleurs rédigé beaucoup de bouquins sur le sujet et sur mon temps libre, je suis un passionné de BD qui écrit depuis toujours, pour le plaisir.
Comme Astérix, vous êtes tombé dans la marmite des BD étant petit ?
Pas loin, j’ai d’ailleurs retrouvé il n’y a pas longtemps un article que j’avais écrit dans le journal Spirou en 1976, j’avais 15 ans ! Il y avait une rubrique un peu carte blanche pour les gamins. Des fous de Spirou sur Facebook ont trouvé le numéro en 5 minutes. À l’époque, je faisais des petits personnages en plastique et dans mon article, j’expliquais comment les modifier pour leur faire prendre des attitudes différentes, ça s’appelait « la conversion des figurines en plastique ». D’aussi loin que je me souvienne, la BD a toujours fait partie de ma vie.
Que s’est-il passé pour qu’elle devienne finalement votre métier ?
Ça s’est fait par étapes. En 1999, j’ai proposé à la maison d’édition Albert René un livre à l’occasion des 40 ans d’Astérix pour parler de son histoire parce que je trouvais qu’il y avait beaucoup de BD à son sujet, mais peu d’ouvrages. Mon projet a été retenu et publié. À force de travailler dans le monde de René Goscinny, je me suis dit « tiens, ce serait rigolo d’écrire des petites histoires » et le format d’Iznogoud s’y prêtait parfaitement. J’ai tenté, pour me faire plaisir, et je n’ai plus réussi à m’arrêter tant je m’amusais ! Alors j’ai envoyé mon travail à IMAV Éditions, la maison de la fille Goscinny, Anne, et l’affaire était lancée, elle souhaitait justement revenir aux petites histoires comme les faisait son père donc ça tombait à pic. Elric Dufau-Harpignies nous a rejoint dans l’aventure pour le dessin et on travaille d’ailleurs déjà sur le prochain.
Un scénariste, un dessinateur, c’est le paradoxe de l’œuf ou la poule, mais qui mène la danse ?
Il y a en effet tout un processus de rédaction et une méthodologie propre à la BD. Dans un premier temps, je vais sélectionner un thème général, par exemple la pétanque, la banque ou la pâtisserie. Une fois que c’est trouvé, je rédige le synopsis où je décris ce qu’il se passe dans chacune des huit planches en huit paragraphes. Puis j’entame la discussion avec Anne et Elric, chacun donne son avis et en route pour le scénario que je découpe en douze cases en expliquant ce qu’il se passe dans chacune et ce qu’il faut écrire dans les bulles. Elric est ensuite totalement libre d’interpréter comme il le souhaite. Généralement je visualise déjà la case, j’écris ce que je vois, mais lui n’imagine peut-être pas la même que moi et me dit alors comment il envisage la chose. Au final, nous tombons toujours d’accord !
Il se lance ensuite sur une première version de crayonné, c’est rapide, mais efficace, comme ça on voit où on va. Dès que c’est ok, ça part à l’encrage. Il arrive qu’il y ait des modifications à apporter au fur et à mesure. Par exemple sur une des scènes, Iznogoud envoie la boule de pétanque trop loin, à la base j’avais écrit qu’un chien la prenait, mais finalement, comme il y a le sultan qui arrive au même moment, nous avons opté pour que ce soit un chameau à la place du canidé. Les petits détails ont leur importance, on ne peut le voir qu’une fois que c’est crayonné par Elric !
Iznogoud habite un autre temps, a-t-il pris une ride ou s’est-il mis à jour en termes d’actualité ?
Comme je vis un petit peu avec lui au quotidien, il se met inéluctablement à la page avec moi, mais il n’est pas là non plus pour faire la polémique. L’idée reste de divertir, alors, on garde le fil rouge de ses codes comme dans Tom et Jerry, Tom veut toujours attraper Jerry la souris, Iznogoud veut toujours être calife à la place du calife, cependant rien n’empêche d’aborder en même temps des thèmes de société. Parmi ces nouveautés, il y a justement l’apparition de personnages féminins récurrents qui étaient les grands absents jusqu’à maintenant. Nous abordons aussi parfois l’écologie, l’économie ou la technologie. De plus, des personnages modernes que le grand public connaît débarquent dans les histoires, de façon à ce que le lecteur retrouve un environnement familier au travers d’une histoire qui se passe pourtant il y a des siècles.
Vous arrive-t-il d’être à court d’idées et de vous retrouver face à une page blanche ?
Il m’arrive de bloquer un peu, mais j’ai ma technique pour y remédier, je vais promener ma chienne Mila. Nous nous baladons dans les vignes, ça me vide la tête et là, soudain, elle se re-remplit de plein d’idées, le temps de rentrer et c’est reparti à mon clavier.
Bientôt à temps plein dans la BD, y auriez-vous cru si l’on vous en avait parlé à la sortie du lycée ?
Même pas en rêve ! Je n’ai jamais imaginé de travailler dans ce domaine, pour moi c’était du divertissement, comme un fan, j’aurais peut-être même écrit gratuitement… Mais ça, il ne faut surtout pas le dire à l’éditeur ! Je vais prochainement revendre ma société de SEO – parce que la BD, ce n’est que très rarement un métier où on devient riche, c’est un métier passion – afin de pouvoir ainsi me consacrer aussi longtemps que possible à Iznogoud.
Le chiffre : 60
Comme les 60 ans d’Iznogoud, d’où le titre de l’album, mais aussi, « à peu de chose près », lance Olivier en plaisantant, « l’âge du scénariste » qui vient de souffler sa 61e bougie.
L’info en plus
Dans chaque histoire, Olivier Andrieu essaie de mettre un peu d’Alsace. Dans l’album de l’année dernière (Moi, calife…), il y avait une bouteille de Klevener (le cépage d’Heiligenstein) sur une étagère dans la boutique d’un mage. Dans le dernier, qui vient de sortir (Des bougies pour Iznogoud), un des personnages de l’histoire éponyme s’appelle Spritz von Kouglopf, il ressemble d’ailleurs fort à Philippe Etchebest… Et dans le prochain ?