Qualité de l’air et santé : Le lien plus que jamais établi

La dernière fois que nous l’avions rencontré, il nous avait confirmé que nos logements sont cinq fois plus pollués que l’extérieur, que 30% de la population est cliniquement allergique, un chiffre qui augmente depuis plusieurs décennies et qui passera à 50 % en 2050. Les allergies sont toujours plus précoces, plus sévères, plus durables. L’asthme et les rhinites allergiques coûtent 3 milliards d’euros chaque année en France etc... Frédéric de Blay est professeur aux Universités de Strasbourg, Président de la fédération française d’allergologie, il est l’un des grands spécialistes de l’allergie dans le monde. Il est un peu le champion du monde de l’allergie et il l’affirme, le lien entre la qualité de l’air et la santé est plus que jamais établi. En fin d’entretien, il annonce une avancée historique.

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Où en sommes-nous de la gêne respiratoire chez les personnes âgées ? 

Une étude française d’une équipe d’épidémiologistes de Grenoble sur 2000 patients âgés montre que l’utilisation de produits de désinfection entraîne une augmentation de l’asthme. Cela corrobore ce que nous avions trouvé. J’ai souvent parlé des ammoniums quaternaires qui sont très utilisés à la maison et qui favorisent l’asthme, effectivement. Avec la pandémie, on a tout désinfecté, toute la journée, mais il faut quand même se souvenir que ce sont des produits qui peuvent entraîner des manifestations asthmatiques et qu’il faut ouvrir sa fenêtre quand on désinfecte sa cuisine ou sa salle de bains. 

Vous parlez des produits ménagers comme les sprays ? 

Exactement. Il faut essayer de ne pas les utiliser, car on les inhale. Il vaut mieux choisir des produits en bouteille, utiliser un chiffon et surtout ventiler son espace quand on nettoie ou quand on désinfecte, pour s’exposer le moins possible à ses produits. 

Vous dites que nettoyer sa table avec un spray après avoir déjeuné, c’est dangereux ? 

Oui, ça peut l’être. Il y a quelques années, nous avions fait une étude sur les infirmières. Celles qui avaient le plus développé d’asthme passaient du pschitt pschitt sur les paillasses, alors que les femmes de ménage qui faisaient le sol en utilisant une bouteille et un chiffon faisaient moins d’asthme. Avec le virus, on retrouve de plus en plus d’ammoniums quaternaires, il faut y faire très attention. 

Le port du masque a-t-il amélioré la situation des allergies ? 

C’est la chose, entre guillemets, positive de cette épidémie. Nous avons pris l’habitude de porter un masque et de très nombreux patients n’ont pas été gênés par les pollens par exemple, même si évidemment les yeux n’étaient pas protégés. Certains n’avaient pas d’asthme. Il y a aussi des asthmatiques qui nous disent qu’ils ne supportent pas le masque, les asthmatiques ont un larynx qui a tendance à se « spasmer » et ça donne l’impression d’étouffer. C’est particulièrement vrai chez les professeurs qui utilisent beaucoup leur voix et qui en fin de journée ont souvent une sensation de gêne respiratoire. Pour en revenir à votre question, le masque est un très bon moyen de protection contre les allergènes, et j’ajouterais qu’une étude allemande montre que l’inhalation des pollens diminue notre défense antivirale, lorsqu’il y a beaucoup de grains de pollen cela favorise les infections virales.

Frédéric de Blay

Vous êtes très impliqué dans le Conseil Médical de l’Environnement intérieur, quelles sont sa vocation et son utilité ?

Nous l’avons créé en 1991, et enfin il est présenté à l’Assemblée nationale. Une députée va déposer un projet de loi pour le remboursement des conseillers médicaux en environnement intérieur, pour les patients qui ont eu des maladies respiratoires. C’est une excellente nouvelle, c’est l’aboutissement de 30 ans de travail, c’est quasiment une carrière professionnelle. Une étude faite par l’École des hautes études en santé publique de Rennes vient de sortir, elle montre l’intérêt des conseillers en environnement intérieur. Les épidémiologistes ont confirmé que c’était efficace. J’espère que le projet sera déposé en septembre ou octobre pour que les gens puissent avoir accès à ces conseillers le plus rapidement possible. 

Quel est le rôle d’un conseiller en environnement intérieur ? 

Lorsque vous pensez que vous êtes malades, que ce soit une maladie respiratoire ou une conjonctivite, à cause de votre environnement intérieur, vous pouvez faire appel à des conseillers intérieurs par l’intermédiaire de votre médecin. Le conseiller viendra chez vous pour faire un audit, c’est-à-dire regarder la qualité de l’air intérieur de votre logement, avant de vous donner de précieux conseils. 

Pour finir, vous avez travaillé avec le grand laboratoire Regeneron. On dit qu’ils ont développé un médicament qui changerait la vie des personnes allergiques !

Oui. D’abord, il y a 8 ans à Strasbourg, on a développé une chambre d’exposition aux allergènes, il en existe seulement quatre ou cinq dans le monde, et celle que nous avons en Alsace, sans faire de cocorico, est très standardisée, très contrôlée, pour l’asthme c’est quelque chose qui intéresse les laboratoires, car 30 % des gens sont allergiques, ils seront bientôt 50 % et il faut que l’on développe des médicaments, que l’on améliore la prise en charge de ces patients. C’est pourquoi j’avais développé cette chambre d’exposition aux allergènes. Il y a deux ans, le laboratoire Regeneron nous a contactés pour faire une étude dans l’asthme allergique aux chats. Le produit que nous avons développé est ce qu’on appelle une immunothérapie passive, c’est-à-dire que l’on injecte des anticorps contre l’allergène du chat chez les allergiques. On a montré qu’avec une seule injection, huit jours plus tard, l’asthme au chat était bloqué, trois mois plus tard, les patients ne font plus de crise d’asthme. C’est la première fois de ma vie que je découvre un médicament qui avec une seule injection permet aux gens d’aller bien trois mois plus tard. Je pense que c’est l’avenir de l’allergologie, c’est presque de la vaccination, et l’on va aller de plus en plus vers ce genre de choses. Il y a eu les corticoïdes, la cortisone dans les années 50, le bronchodilatateur, puis les biothérapies pour les asthmes sévères, et maintenant il y a cette nouvelle classe de médicaments. 

Une seule injection pour trois mois, même un peu plus ? C’est une première mondiale ?

Oui, et l’on peut imaginer qu’il faudra deux ou trois injections par an.