mardi 5 novembre 2024
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Quenelles au pain azyme, Màtze Knepple

Une histoire d’amitié autour d’une recette juive.

Les quenelles au pain azyme, dites grossi Màtze Knepple dans le parler francique d’Alsace Bossue, sont dégustées au fil de l’année, mais surtout pour Pessa’h, la Pâque juive, célébrée cette année le 22 avril. Cette recette me fut transmise par Éric Constans, un protestant qui la tenait de ses amis juifs Éliane et Bernard Falck. Elle contient une belle histoire d’amitié interreligieuse.

Éric Constans, un passionné d’Histoire, en particulier celle de sa région natale, l’Alsace Bossue, région authentique un peu trop méconnue selon lui, me racontait un jour que ses deux tout premiers copains de jeu étaient Bernard Falck et André Schwab, deux petits juifs, ses voisins immédiats. Il me tendit une photo d’enfance pour illustrer ses propos.

La photo montre trois garçons dans une rue de Diemeringen. Bernard Falck tient la roue à vélo qui sert de cerceau. André Schwab est à droite et, derrière eux, est posté Éric. Ils se trouvent rue des Remparts devant la maison de Bernard Falk. La photo date des années 1950 comme le montre la présence de la charrette à ridelles (de Lëiterwaaje) qui témoigne d’un temps révolu. Les trois garçons ont vécu une enfance heureuse dans cette cité d’Alsace Bossue, un bourg qui reste aujourd’hui encore un centre commercial. La communauté juive y fut importante et elle cohabitait harmonieusement avec les autres communautés qu’elles fussent luthériennes, calvinistes ou catholiques.

« Notre école mêlait harmonieusement les religions dans la sérénité, précise Éric. La communauté juive était au deuxième rang à Diemeringen dans les années 50. En permier, se situaient les protestants, suivaient les néo-apostoliques et les catholiques. L’antisémitisme n’avait pas de place dans ces communautés rurales. Il ne régnait pas de tensions entre les communautés. L’école de la République réunissait tous les enfants, quelle que fût leur religion. On se quittait juste une fois par semaine pour l’heure de catéchisme concordataire pour rejoindre le rabbin, le pasteur ou le curé. »

Des trois enfants de la photo, Bernard Falck est le seul qui habite encore à Diemeringen. Lui et son épouse Éliane (qui est originaire de Turckheim), sont aujourd’hui les derniers représentants de la communauté juive de Diemeringen.

Cette photo des années 50 prise rue des remparts à Diemeringen montre Bernard Falck qui tient la roue à vélo. André Schwab est à droite et, derrière eux, est posté Éric Constans.

Comme autrefois, Éric et Bernard aiment se retrouver avec leurs épouses Yvette et Éliane pour déguster ce plat en toutes saisons. André Schwab, qui fut avocat et ancien bâtonnier du barreau de Saverne, n’est malheureusement plus de ce monde.

Ces Màtze Knepple sont des quenelles revenues à la poêle, plus grosses que les petites boulettes faites avec de la farine de pain azyme. Les petites sont généralement pochées dans un bouillon, ce qui n’est pas le cas de celles-ci qui sont grillées à la poêle. Le pain azyme (nommé Màtzet en alsacien et aussi désigné sous le terme matzot en français) est fait simplement d’eau et de farine, sans sel, sans graisse, sans sucre, sans levure.

La raison de cette épure est en lien avec la fuite d’Égypte au temps de Pâques. Pessa’h commémore en effet la fuite des Hébreux hors d’Égypte après quatre siècles d’esclavage. Cette fuite se fit si vite que les Hébreux n’eurent plus le temps nécessaire pour faire du pain. Aussi optèrent-ils pour ce pain fait simplement de farine et d’eau.

Éliane Falck précise que cette recette est très pratique pour Pâques car les quenelles peuvent être préparées à l’avance et réchauffées dans une poêle. Elles sont faites sans les cinq céréales principales interdites (le blé, l’orge, le seigle, l’avoine et l’épeautre) que l’on appelle hamets.

La religion juive, basée sur le calendrier lunaire, aligne souvent la Pâque chrétienne et la juive. Le décalage de cette année est dû à l’année bissextile, dont l’introduction permet de faire coïncider le calendrier de douze mois avec le mouvement de la Terre autour du Soleil.


Quenelles au pain azyme dites grossi Màtze Knepple

Quenelles de pain azyme dites grossi Matze Knepple. / ©Eric constans

La recette

Ingrédients pour 4 personnes

  • 8 tranches de pain azyme
  • 1 gros oignon à faire revenir dans 1 cuillerée à soupe de graisse d’oie ou d’huile
  • 6 œufs
  • sel
  • poivre du moulin
  • 1 pincée de gingembre moulu et séché
  • 1 pincée de noix de muscade râpée
  • 1 cuillerée à soupe de graisse d’oie, de canard ou d’huile

Dans un premier temps, trempez le pain azyme dans de l’eau, égouttez et essorez-le aussitôt. Faites dorer l’oignon épluché et grossièrement haché dans la graisse d’oie ou dans l’huile. Rajoutez le pain azyme trempé et pressé. Faites jaunir cette masse dans une poêle en fonte jusqu’à ce qu’elle s’en détache. Retirez du feu et laissez refroidir.

Dans un deuxième temps, ajoutez les autres ingrédients : les œufs, le sel, le poivre du moulin, la pincée de gingembre moulu et séché, la pincée de noix de muscade râpée. Malaxez l’ensemble. Trempez la main dans de l’eau froide afin que la pâte n’attache pas. Formez des boules (un peu plus petites que les boules de neige). Faites-les revenir à la poêle avec un petit peu de graisse d’oie ou d’huile jusqu’à leur donner une jolie couleur dorée sur toute leur surface.

Ces grosses Màtze Kneple se servent en accompagnement d’un rôti de veau ou de bœuf.

Nappez-les avec la sauce de la viande.

Eliane et Bernard Falck servent avec ce mets un vin blanc d’Alsace.

Joyeuse Pâque juive !

Hag Pessah Sameah !

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