Racing Club de Strasbourg, sa notoriété arrive-t-elle jusqu’en Alsace du Nord ?

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Nuno Da Costa face au gardien du FC Nantes

Le Racing, c’est Strasbourg, mais dans son nom complet, Racing Club de Strasbourg Alsace, la part de la région est importante. C’est aussi une trace de son passé récent, car la Région Alsace, comme la Ville de Strasbourg, avait largement contribué au sauvetage du club en 2012. Aux quatre coins de l’Alsace, on aime le Racing. En Alsace du Nord surtout ? Quelle est la notoriété du club centenaire ? C’est le dossier de cette semaine au moment où le RCSA s’est lancé dans sa deuxième saison au plus haut niveau.

Le Racing vient de battre son record d’abonnements. Avec près de 20 000 tickets déjà réservés par match, c’est déjà une belle « perf » et la première victoire de la saison. Il sera très dur, voire impossible, d’improviser une sortie entre copains jusqu’à la Meinau avant un bon moment. Le Racing ne cesse de battre les records depuis sa reprise par Marc Keller et son équipe d’actionnaires. Au fur et à mesure des saisons, le club renaît de ses cendres, il grandit et fait vibrer les amoureux du football. C’est un véritable engouement populaire qui rappelle celui de la fin des années 70.
À cette époque, des trains entiers arrivaient de partout en Alsace et l’affluence (les normes de sécurité n’étaient pas les mêmes) frisait les 40 000 personnes. Aujourd’hui, elle ne dépasse pas les 30 000, mais le phénomène est intéressant, le taux de remplissage du stade est le troisième de Ligue 1 et les projets de développement de l’enceinte devraient permettre au club d’améliorer encore les chiffres. 

Le meilleur et le pire

Si en 1979, quand Gilbert Gress et ses hommes sont devenus champions de France, les résultats avaient attiré les foules, aujourd’hui, les supporters, privés de ce spectacle pendant 9 saisons, viennent au stade pour le plaisir de revoir du football de Ligue 1, et sans doute aussi pour Mbappé, Neymar, Falcao, Fekir, Thauvin, Balotelli et compagnie. Le championnat du pays des champions du monde est redevenu attractif et le spectacle est souvent au rendez-vous, alors on vient au stade, comme avant. Et même plus qu’avant sans doute, et avec un nouvel état d’esprit. Quand on a connu le meilleur, on est plus exigeant que quand on a connu le pire.

La vitrine du foot alsacien

Que fait le Racing pour exister dans le reste de l’Alsace ? En gros, rien de spécial. Au siège du club, on nous dit que la communication est globale, que rien de spécifique n’était fait pour attirer les supporters du nord de l’Alsace. Sans doute parce qu’il n’y a rien à faire de plus, ça fonctionne sans effort, la preuve avec le taux d’occupation à 83%. Le Racing, de Saint-Louis à Wissembourg, c’est vraiment quelque chose. Quand il va bien, le foot alsacien va bien, les gens viennent au stade. Pour Pierre Dillinger, le président du FCE Schirrhein, le Racing est « la vitrine du foot alsacien, c’est une locomotive très importante pour les clubs amateurs ». Quelques joueurs sont passés par le Racing et ne sont pas devenus professionnels. Les clubs régionaux récupèrent des garçons de qualité dans leurs effectifs. Les relations avec le Racing sont très bonnes : «Nous sommes fiers de sa remontée en Ligue 1, heureux de l’engouement populaire depuis 2 ou 3 ans dans toute l’Alsace. Nombreux sont ceux qui vont voir les matches à la Meinau, sauf quand ils jouent au même moment, les dimanches après-midis notamment. Cela nous embête et nous l’avons fait remarquer à la Ligue d’Alsace» conclut le président de Schirrhein.

N°1 en Alsace du Nord

D’après Jean-Luc Filser, le speaker de la Meinau, responsable marketing de la Ligue d’Alsace et originaire de Haguenau, les Alsaciens du Nord restent des fervents supporters du Racing : « Je pense que rien n’a changé, quand j’étais gamin, à 12 ou 13 ans, j’attendais le samedi avec impatience. On a tendance à dire qu’en Alsace, le football c’est le Racing, je crois que c’est vrai, c’est le cas depuis toujours, et particulièrement en Alsace du Nord, car c’est une terre de football. Il existe un nombre important de clubs et de licenciés ; dès qu’il y a une manifestation organisée autour du football, c’est un succès, les gens viennent. C’est à Haguenau et Wissembourg que les finales de Coupe du Crédit Mutuel attirent le plus de monde. Dans les rues, ça parle de foot et ça parle du Racing. Bon, Haguenau a une belle équipe de foot cette année, il y a très longtemps le club était professionnel (en division 2), mais, même à cette époque, le club n’a jamais connu l’engouement du Racing, c’est lui le club historique, il est dans les gènes de tous les footballeurs alsaciens ».

Les nouveaux supporters

Les clubs de supporters, ceux qui garnissent la tribune ouest, sont exclusivement strasbourgeois, les membres sont plus jeunes qu’avant la descente aux enfers du club. Mais certains sont passionnés depuis très longtemps, comme Freddy Ernwein, 64 ans. Le patron de l’Hôtel Europe va au Racing depuis un demi-siècle. Sponsor de plusieurs clubs d’Alsace du Nord, il achète quatre abonnements au Racing par saison : « Revenir de tellement loin, c’est formidable, c’est un exploit, alors comme les gens savent que nous avons des abonnements, il y a beaucoup de demandes. On emmène des clients ou des collaborateurs. On ressent un enthousiasme énorme, ce n’est pas pour rien qu’il y a tant d’abonnés et beaucoup viennent du Nord de l’Alsace ».

Le retraité haguenovien Patrice Puccini, 70 ans, passionné par le Racing depuis 1964, n’avait jamais été abonné, il était plutôt du genre à siffler les joueurs les soirs de défaites, mais le club est tombé si bas qu’il s’était fait une promesse : «Je m’étais dit que si le Racing remontait en Ligue, je m’abonnais. J’en connais beaucoup autour de moi qui ont fait la même chose. Cette fois, il faut les soutenir, à fond. Avant, on sifflait, c’était la bronca quand ça n’allait pas, aujourd’hui, on leur passe tout. La mentalité a changé. Quelque chose s’est passé quand Strasbourg est remonté en Ligue 2. Aujourd’hui, quand je ne peux pas y aller, ça me fait presque pleurer, mais tout le monde me téléphone pour avoir mon billet. Le côté pervers du succès du Racing est un « problème de riches», comme il y a énormément d’abonnés, il n’y a plus de places pour ceux qui veulent y venir
occasionnellement »
. 

Le problème a bien été compris par la direction du Racing, qui travaille sur la transformation du stade de la Meinau, pour grandir encore un peu plus. Tranquillement, avec une envie folle de rester en Ligue 1. Au début de cette deuxième saison, les Alsaciens du Nord que nous avons interrogés sont unanimes : le Racing est vraiment le club de tous les Alsaciens, et l’amour qu’ils lui portent est infini, comme s’ils étaient tous nés au bord du Krimmeri. Et rien ne dit que cette ferveur ne va pas mener le RCSA dans une galaxie qui n’est aujourd’hui qu’un rêve.