Strasbourg – Lire, comprendre, avancer

Avant l’arrivée de 2024, quand elle sera Capitale mondiale du livre Unesco, Strasbourg organise un programme d’actions concrètes autour du livre, à commencer par le 30 septembre et les Rencontres nationales pour le développement de la lecture. Des associations comme Savoirs pour réussir y seront présentes.

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L’équipe de Savoirs pour réussir, avec les responsables d’antenne, le président Salvatore Parello et Caroline Bartelmann, directrice, à droite. / ©DR

Devant le chiffre de 2,5 millions de personnes illettrées aujourd’hui en France, soit 7% des 18-65 ans, la lecture a été décrétée Grande cause nationale 2021-2022. L’Alliance pour la lecture a été fondée dans cette optique et regroupe 100 associations, fédérations et organismes fondateurs. Des forums sont prévus le 30 septembre à partir de 8h30 au Palais des congrès de Strasbourg (sur inscription www.alliancepourlalecture.fr). L’association Savoirs pour réussir, basée à Schiltigheim mais qui a des antennes à Colmar, Mulhouse et Metz, apportera son expérience en matière de lutte contre l’illettrisme.

Quand on sait que la moitié des personnes illettrées travaillent, « l’illettrisme en entreprise est un gros sujet », avance Caroline Bartelmann, sa directrice. « Cela engendre des risques au poste de travail, sans compter l’accès au droit ». L’association profitera de l’occasion pour proposer des actions « pour faire entrer le livre dans les entreprises et toucher des publics éloignés de la lecture. Dans une usine par exemple, on va instaurer la possibilité d’emprunter un livre, et puis de communiquer sur le sujet, peut-être avec des clubs de lecture ou des concours d’écriture ».

Compétences lexicales

Savoirs pour réussir propose des formations à la carte, en individuel, « de l’apprentissage total de la lecture à un examen à réviser ou des documents administratifs à remplir : c’est du concret ». Elle accompagne gratuitement 300 personnes par an, adressées par les acteurs sociaux comme les missions locales, Pôle emploi ou les journées défense – citoyenneté. « Il n’y a pas d’analphabètes en France, puisque tout le monde est scolarisé, mais l’enjeu, ce n’est pas juste déchiffrer, c’est comprendre ce qu’on lit, et mieux vous comprenez, plus vous êtes capables d’apprendre de nouveaux mots. Là est la clé, dans les compétences lexicales. »


Émilienne, l’exemple

L’histoire d’Émilienne (le prénom a été changé « pour éviter les moqueries » à sa demande), 38 ans, de Haguenau, est édifiante. Elle a commencé les cours en 2020 avec Savoirs pour réussir ; actuellement, elle fait des exercices hebdomadaires avec sa tutrice Jocelyne : « Le plus difficile pour moi, c’est l’écriture, on n’a pas l’habitude. Pour la lecture, j’y arrive déjà ». Ses enfants ont 2 mois et 2 ans, et elle leur lit des petites histoires. Pour le moment, « je n’ai pas acheté de livre pour moi. Mais ça me plaît les études, je veux connaître plus que ça, faire les efforts et avoir un travail ». Elle revient avec amertume sur son enfance au Cameroun : « C’était un peu compliqué parce que je suis née dans une grande famille, dans un village. Une de mes tantes m’a prise à 3 ans, et m’a amenée en ville pour me faire étudier. Et pendant quinze ans, elle ne m’a jamais mise à l’école, elle m’a fait faire du commerce, alors que ses enfants étaient éduqués. C’est criminel ! Quand ma mère est venue, elle a demandé en quelle classe j’étais, et les gens du quartier l’ont prévenue que j’étais esclave. À partir de vingt ans, j’ai fait des tresses dans un salon, et j’ai pu payer moi-même le voyage en France ».