vendredi 22 novembre 2024
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Jaimes Madeira – Chef résident

Né en 1966, Jaimes a commencé sa vie professionnelle comme DJ (l’un des meilleurs de France) et animateur de Radio Tonic à Haguenau. Presque quatre décennies plus tard, il est revenu en Alsace du Nord pour ouvrir en septembre son « restaurant bistronomique décomplexé », Le Coq en pâte. Circuits courts, produits frais, fournisseurs et fermes locaux, cuisine d’auteur, le chef Madeira, membre du Cercle des chefs de l’Académie culinaire de France, a des idées plein les casseroles. Dîner/interview autour de son plat signature.

On vous a bien connu ici, il y a longtemps !

Oui, dans les années 80, la première boîte dans laquelle j’ai été DJ était l’Hyperbolicus à Bischheim, tout près de Strasbourg. Ensuite, je suis arrivé à Haguenau, j’ai bossé au César qui se trouvait rue de la Redoute, en face de l’ancienne caserne militaire. Je me souviens que je venais à mobylette depuis Bischheim, je devais avoir 20 ans. Je me souviens aussi de ma première voiture, une Renault 5 noire ; un soir, elle avait disparu, mais en fait la bande de potes qui venait tous les samedis soir faire la nouba l’avait déplacée sur le trottoir d’en face (rires). C’était une belle période et, de là, j’ai atterri à Radio Tonic à Haguenau. J’animais la tranche 14/18 heures et j’enregistrais des pubs.

L’image que je garde de vous, c’est celle d’un grand DJ dans la région !

Je n’étais pas le seul, on était une poignée de DJs du coin à faire le championnat national, à l’époque un DJ, ça parlait. On avait des voix. Finalement, on était tous potes, chacun avait son fan-club et un patron qui le prenait pour le meilleur, et c’était bien comme ça. Je suis resté DJ en boîte de nuit pendant près de 15 ans, mais j’ai créé mon entreprise en 91 pour faire de l’événementiel.

« Une fois de plus la gastronomie peut beaucoup nous aider », affirme Jaimes Madeira. / ©DR
Comment passe-t-on de DJ professionnel à chef ?

Un soir, dans le Kochersberg, je suis engagé comme DJ par une copine pour son mariage. À un moment, on entend un cri dans la cuisine, le cuisinier avait fait une crise cardiaque. Il a été transporté à l’hôpital. Du coup, j’ai regardé ce qu’il y avait à la carte et j’ai cuisiné, j’ai toujours vu faire ma mère, et mon frère avait un restaurant, parfois je l’aidais, alors je me suis lancé et tout le monde était enchanté. Le temps a passé, et puis un jour, une personne qui était présente au mariage, faisait partie du protocole du Conseil de l’Europe. Ils avaient besoin d’un commis de cuisine, on m’a demandé si ça m’intéressait, j’ai dit OK, et j’ai commencé à éplucher les patates. Pendant neuf ans, j’ai beaucoup appris, à l’époque ça cuisinait vraiment, on représentait la France devant toute l’Europe qui venait manger là à cette occasion, j’ai connu l’importance de la diplomatie gastronomique. Lorsque l’on mange bien ensemble, on ne se fait pas la guerre. Comme je ne travaillais que quinze jours par mois pendant les sessions parlementaires, j’ai fait un tas de trucs comme clown ou producteur de spectacles. Je suis parti travailler pour le groupe Accor, au service qualité, je faisais le tour des hôtels en France et à l’étranger. Et, après presque dix ans, je suis revenu en Alsace et je suis devenu traiteur.

Avec quelle philosophie ?

Je voulais faire un traiteur qui cuisine. En fait, lorsque j’avais de gros plans d’événementiel impossibles à faire seul, je faisais venir un traiteur, mais ce n’était jamais ce que je voulais. Et puis, un moment, avec mes expériences au Conseil de l’Europe et chez Accor, on ne pouvait pas me raconter que les madeleines ou les macarons étaient faits maison. Avec un ami, on a créé Dujardin traiteur qui existe toujours. J’ai eu la chance de faire partie de l’équipe qui a préparé le repas de la Reine d’Angleterre, lorsqu’elle est venue au Palais Rohan à Strasbourg. Il y a quelques années, c’est moi qui ai fait le déjeuner gastronomique de l’inauguration de la cathédrale orthodoxe de Strasbourg. Le patriarche de Moscou Kirill est venu en personne. Je l’ai croisé après, et son petit signe de la tête m’a fait comprendre qu’il avait très bien mangé, c’était très fort pour moi, très émouvant.

Pourquoi cela vous touche autant de cuisiner, d’où ça vient ? Finalement, est-ce qu’être ici, dans ce restaurant à Haguenau, c’est, d’une certaine manière, quelque chose d’évident ?

Oui. Petit, j’ai vécu à la Petite France à Strasbourg. Tous mes potes étaient des fils de restaurateurs installés à la Petite France. J’ai grandi entre la Maison Kammerzell et la Maison des Tanneurs, j’allais pêcher au bord de l’Ill avec tous ces beaux restaurants en face et leurs géraniums aux fenêtres. Je voyais les gens sortir, ils étaient heureux. Mon père était tailleur, il faisait des vêtements sur mesure. Moi, quand je reçois les gens, je fais connaissance, j’ai besoin de cuisiner pour eux comme pour des amis. Je les accueille chez moi, c’est important qu’ils soient heureux. Alors oui, cela me paraît tellement naturel d’être ici dans ce restaurant dont je connais chaque centimètre carré. Lorsque l’un de mes cuisiniers fait trois pas de trop dans une cuisine, je sais qu’il cherche quelque chose, et je sais toujours où cela se trouve. Je sais par cœur ce qu’il faut commander pour la semaine. Ce restaurant, ce sont juste des souvenirs que j’ai mis en forme et c’est
hyper important.

Au Maroc, chez le conseiller du roi, la gastronomie diplomatique pour relancer les chefs dans les hôtels d’Afrique. / ©DR
On vient de me servir le coq en pâte, vous pouvez m’en dire un mot ?

Ce fameux coq en pâte est une belle cuisse de volaille de 200 grammes qui est désossée et dénervée, on utilise un sel d’épices à l’intérieur, on la roule comme un gros cigare, ça nous fait une ballottine, on la cuit à basse température et on la grille avant de l’envoyer en salle. C’est fondant et juteux à l’intérieur. C’est le plat signature.

Vous êtes aussi le propriétaire du 15 à Ostwald, et vous avez des projets ?

Oui, en 2024, nous allons ouvrir un restaurant à côté du cinéma de Brumath, avec l’ambition de créer une chaîne de restaurants. Je suis capable d’asseoir à la même table quelqu’un qui est végétarien, quelqu’un qui mange de la viande, quelqu’un qui mange du poisson, les religions, les confessions, les convictions, je suis capable de les mettre d’accord. Une fois de plus la gastronomie peut beaucoup nous aider.

Vous avez été intronisé à l’Académie culinaire de France en 2020, vous faites partie du Cercle des chefs !

Notre travail est de faire rayonner la gastronomie française, en ce moment, on travaille beaucoup, il faut vraiment que l’on fasse revenir les touristes. Pour cela, il est nécessaire que la représentation gastronomique française soit forte à l’étranger.

Vous êtes un chef très dynamique qui ne reste pas devant ses fourneaux !

Je bouge beaucoup. Par exemple à Bar-le-Duc où j’ai fait cuisiner les enfants d’une cité qui ont invité leurs parents. Le week-end dernier j’étais au Lycée de Rouffach, j’ai servi près de 500 menus avec l’aide des étudiants.

Vous êtes prêts pour les fêtes ?

Oui bien sûr, et même pour le soir de Noël où nous travaillerons avec ma femme et mon fils, nous proposerons un menu pour ceux qui n’ont pas envie de passer Noël tous seuls.

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