Quand je me balade ici ou là le nez en l’air, je n’aime rien tant que découvrir une façade ornée d’une peinture hyperréaliste. L’autre jour, en voiture, à l’entrée de Haguenau, j’en ai aperçu une, du coin de l’œil. Ayant à faire au centre-ville, je me suis promis de m’arrêter, au retour, histoire de l’examiner d’un peu plus près.
Au feu suivant, je me suis demandé de quand cette drôle de pratique pouvait dater. Peut-être pas de la nuit des temps, à moins que les peintures rupestres aient été les premières tentatives pour créer une illusion d’optique… En tout cas une chose était sûre : en Italie, des archéologues avaient mis au jour certaines fresques datant du premier siècle après Jésus-Christ. Et la villa d’un riche habitant de Boscoreale abritait des décors en trompe-l’œil figurant un extérieur si bien représenté que le mur semblait avoir disparu.
Du diable Vauvert à un enfer qui fait pschitt !
Une fois garée, au diable Vauvert, j’ai commencé à arpenter les rues. J’avais pour projet d’aller visiter l’impasse de l’Enfer, cette adresse m’ayant je dois l’avouer un peu émoustillée. Hélas, une fois rendue sur place, pas le moindre damné plongé dans un chaudron d’huile bouillante par d’affreux diablotins : nada, que pouic, rien du tout.
Haussant les épaules, j’ai poursuivi ma promenade, un peu au pif, le téléphone de mon GPS ayant pour d’obscures raisons tout à coup décidé de se mettre en grève. C’est en passant rue des Chaudronniers que j’ai été frappée par une évidence qui m’avait jusque-là échappé. Les Haguenoviens semblaient bien partager mon affection pour les fresques en trompe-l’œil ! De fait, il y en avait presque à tous les coins de rue : des petites, des grandes, plus ou moins colorées, plus ou moins bien conservées.
Ah mon beau château ?
Je savais que le célèbre Barberousse avait vécu dans une incroyable forteresse, initialement construite au XIIe siècle au cœur de la forêt et peu à peu entourée d’habitations plus ordinaires. Bien que démantelée par Vauban en quête de matériau pour la citadelle de Fort Louis, il en restait peut-être quelques pierres en ville ; n’avais-je pas repéré, sur le plan, une rue du Château ? Je devais en avoir le cœur net.
La plaque indiquant la rue que je cherchais surmontait un message laconique : « Emplacement de l’ancien château disparu. » Plantée là, je soupirai : décidément, le sort s’acharnait ! Mais une vieille dame qui passait m’a souri. Elle m’a appris que les Jésuites avaient construit un collège à l’emplacement de l’ancien Burg. Celui-ci était devenu, plus tard, une caserne, puis une maison de retraite ! J’avais emboîté le pas à ma guide improvisée, et soudain, une façade tout à fait charmante, décorée d’une grande fresque représentait de fausses fenêtres joliment agrémentées. À l’une d’entre elles, un couple grisonnant accompagné d’un chat avait l’air de s’amuser de me voir là.
Street art un jour, street art toujours
C’était l’heure de rentrer à la maison. Hélas, j’avais tant tourné en rond que je n’avais plus la moindre idée de la direction à prendre pour retrouver ma petite auto. J’étais presque morte de faim quand j’ai fini par l’identifier, coincée entre deux SUV semblant la regarder de haut.
Malgré les protestations de mon estomac, et comme je me l’étais promis, je me suis arrêtée route de Strasbourg. Tout à fait intéressant, ce vieux pan de mur qui cache une rangée de garages ! Il est décoré par quatre fausses ouvertures. Au rez-de-chaussée, la première ne présente que des volets tirés, la seconde, des vitres et des pots de fleurs. À l’étage, deux portes-fenêtres, derrière un authentique balcon en fer forgé, offrent au regard les figures en pied d’une vieille dame et d’un gamin qui fait coucou. Le tout est partiellement recouvert d’une plante grimpante.
De tous les trompe-l’œil de Haguenau, le voilà bien, mon préféré.
