André Muller, L’appétit est venu en tournant.

Il a animé plus de 200 émissions A’ Gueter. Dans ce livre qui lui ressemble, très coloré et plein d’images, il retrace une partie de cette aventure qui vient de s’arrêter. André Muller s’est attaché à donner une autre image de la télévision, et ce n’est pas son seul exploit. Entretien de bon matin, à bicyclette, sur les chemins du journaliste tout juste retraité. Les 50 meilleures émissions de A’ Gueter. André Muller et Gérard Leser. (Éditions du signe)

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A’ Gueter a marqué les dix dernières années de votre vie professionnelle, mais vous auriez pu écrire une
autobiographie ?

J’ai effectivement baroudé dans le monde entier. Je pourrais raconter le Dakar, le Tour de France, Wimbledon, Roland-Garros, les JO à Sydney où Salt Lake City, mais je pourrais aussi revenir sur les belles portes que je me suis ouvertes, car à la télévision personne ne t’attend, on te pose plutôt des peaux de banane par terre, pour que tu te casses bien la gueule. Mais mon envie était d’aller au-delà, d’aller au bout du bout du bout… Avec A’ Gueter, je voulais faire quelque chose de différent, je ne voulais pas faire une émission trop prout-prout, du genre « passe-moi le sel, passe-moi le beurre », je voulais faire quelque chose de convivial et rigoler avec les chefs. La recette était l’alibi pour aller quelque part.

Et votre cas est assez unique. Vous avez commencé derrière la caméra et vous avez fini devant. Avec un grand succès.

Au bout de 25 ou 30 ans de reportages avec la caméra sur l’épaule, un jour, cette caméra, j’ai eu envie de l’apprivoiser. En fait, c’est Gérard Holtz qui m’a conseillé de le faire quand on travaillait ensemble sur le Paris-Dakar, il me disait que j’avais des facilités, et du jour au lendemain, j’ai charmé cette caméra.

Quelle est votre plus grande fierté ?

Je vais parler de reconnaissance. Je dois beaucoup de choses à mes parents, à mon père qui m’a toujours poussé, car il allait toujours vers l’excellence, vers l’essentiel. Il dessinait les grandes affiches de cinéma des années 60, moi j’ai appris le monde de la couleur comme ça, en le regardant travailler. Et je n’oublie pas que c’est Christian Daniel qui m’a donné le goût du reportage de sport, il trouvait que je filmais différemment, que j’avais quelque chose qui m’appartenait, avec du sentiment, du cœur.

Dans votre livre, vous en parlez justement. En fait, votre carrière est une histoire de rencontres avec les autres.

Exactement. On va voir les autres, on raconte leur vie, à quoi ils pensent, à quoi ils rêvent. J’ai toujours fait ça dans ma carrière. C’est avec les rencontres que tu grandis. Comme avec les livres.

Marc Haeberlin a dit de vous que vous étiez un lutin espiègle, qu’en
pensez-vous ?

Je suis toujours le sale gosse qui vient par surprise, qui goûte les plats, qui cherche des secrets, qui taquine dans le but de faire dire ce que les gens n’ont pas encore dit. J’ai toujours été comme ça. Ma mère disait que j’avais une babulle, comme un avocat, ça veut dire « il ne se tait jamais ». J’ai toujours eu beaucoup d’énergie dans la vie.

Et qu’allez-vous faire de cette énergie, maintenant ?

Vous savez, quand vous quittez la télé, vous n’êtes plus dans la lumière, c’est un petit peu compliqué… Je fais quelques insomnies, car il y a des choses qui me manquent. Mais en ce moment, je m’occupe de mon livre, je sais qu’il s’est très bien envolé.

Vous avez obtenu de belles récompenses dans votre vie, notamment un bretzel d’or.

Oui, c’était la consécration, c’était extraordinaire, je ne pensais jamais l’avoir un jour. Quand je vois la liste des lauréats… Je le dois à ceux qui ont regardé l’émission, aux Télégigler comme je les nomme.

Pour finir, qu’est-ce que l’on peut vous souhaiter ?

Que je garde mon énergie, tous les jours, que je continue à faire du vélo, que je continue de rêver.