mercredi 11 décembre 2024
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Lulu, le conte de Noël de Simone Morgenthaler et Lucille Uhlrich

Journaliste, animatrice de télévision et de radio (retraitée de France Bleu Elsass depuis juin), auteure d’une vingtaine d’ouvrages littéraires ou gastronomiques, Simone Morgenthaler est une grande Alsacienne. Sa fille, l’artiste Lucille Uhlrich, a illustré les textes de sa maman pour Lulu, Noël en Alsace, l’histoire d’une petite fille qui passe les fêtes chez son grand-père, dans une maison située à l’orée de la forêt. Simone Morgenthaler évoque cette Alsace qu’elle aime tant, celle des traditions et de son enfance. Un livre militant écrit en deux langues, pour défendre l’alsacien.

Lulu, votre nouveau livre, est presque un conte ?

Oui. Dans un conte, il y a beaucoup de choses inventées, mais là, il y a beaucoup de moi et de mon enfance, et de ce quotidien qui est extraordinaire… le lierre, la neige qui tombe, et pour Maïdi, la capacité de surmonter la peur du noir. Enfant, quand on a surmonté sa peur, on a vraiment l’impression d’avoir grandi.

Maïdi, c’est vous ?

Oui. C’est moi. Et le grand-père, c’est plutôt mon père. C’était un père âgé. Il était sculpteur sur bois à son compte et ne gagnait strictement rien, il était sous-payé. Quand il travaillait pour les églises, ce n’était pas du travail rémunéré, il s’achetait une place au paradis. Quand je suis née, il espérait plutôt un garçon, pour reprendre son métier. Il a été déçu, au point d’inviter ses copains au bistrot du village et de leur faire croire qu’un garçon était né et qu’il s’appelait Simon.

Votre fille ne l’a pas connu !

Non. Elle a dessiné un grand-père idéal. Ce qui est beau c’est qu’elle vient de revenir en Alsace. Elle s’est installée dans la maison où j’ai grandi à Haegen. Je ne m’y attendais pas du tout. Elle a vécu à Berlin, à Marseille, aux États-Unis, et elle a passé le premier confinement ici. Elle s’est demandé si la vie qu’elle voulait vivre n’était pas plutôt celle-là, alors au mois de juin elle a décidé de revenir à ses racines, plutôt que dans une vie parisienne avec des relations surfaites. Pour plaire, il faut parfois jouer des rôles et ma fille en est incapable. Elle est un peu sauvage et n’aime pas les compromis.

Peu de temps avant Lulu vous aviez déjà travaillé ensemble sur la couverture de L’ombre verte (I.D l’Édition) !

Oui. Sans elle, je n’aurais pas fait paraître ce livre qui était écrit depuis longtemps. J’étais au repos et tellement contente de ne plus faire de radio, enfin d’avoir quitté cette vie-là, je me disais que j’avais fait assez de livres, mais Lucille m’a poussé à le faire, et c’est pareil pour Lulu. Elle m’a donné l’élan. D’un coup, j’ai l’impression, et c’est invraisemblable à l’âge que j’ai, d’être portée par ma fille. C’est tellement reposant. Elle a un regard juste sur les êtres humains, sur les paysages, sur les textes, un regard au laser. Je ne pensais pas qu’un jour mon enfant aurait envie de faire quelque chose avec moi, ce n’est pas si évident et c’est venu comme une belle surprise, à un moment où je n’attendais pas cela.

Dans Lulu, on retrouve l’Alsace, les parfums de l’enfance, la chaleur humaine, l’odeur des pommes cuites et la magie de Noël. C’est ce que vous transmettez ? La simplicité ?

Je n’ai jamais connu de Noël riche, où l’on mange du foie gras. À l’époque, le 24 au soir, on allumait les bougies sur le sapin, on mangeait les petits gâteaux de Noël, on allait à la messe de minuit et à notre retour, on goûtait un petit peu de vin chaud dilué dans un peu d’eau. Autrefois, le père Noël n’existait pas. Noël, c’est aussi cette odeur de cannelle, de beurre, de noisette. Lucille m’interdit de faire les petits gâteaux avant sa venue. On se prend une journée, toutes les deux seules en cuisine, on fait chacun sa part de petits gâteaux. Les choses les plus simples sont les plus belles, j’ai toujours aimé les gens qui restent simples, un jardin, un plat simple, sans fioritures. Ce sont les petits liens somptueux que j’essaye toujours de décrire avec justesse, à côté desquels on passe souvent sans les remarquer. Tant mieux si je peux transmettre quelque chose d’aussi évident et que ça touche le cœur des gens.

Dans le livre les animaux sont rois, il y a Lulu le hibou, et aussi l’écureuil, Crocus le chien mauve magnifiquement illustré par Lucille. A-t-il existé ?

Non, dans mon enfance je n’ai pas eu de chien, il n’y avait que des chats, mais quand je me suis mariée, j’ai eu beaucoup de chien. Je n’en ai plus aujourd’hui, car c’était trop de chagrin de les perdre. Pour le livre, j’aimais bien l’idée d’un chien un peu fou avec une couleur inhabituelle, dans l’imagination toutes les couleurs sont permises et Lucille l’a dessiné comme ça. Ce chien mauve plaît beaucoup aux lecteurs.

Le livre est écrit en français et en alsacien que vous avez toujours défendu. Vous le faites encore, comme récemment dans L’ombre verte, c’est un combat ?

Oui. Je l’ai mené très discrètement. Quand on travaille pour le service public comme moi, on ne peut pas dire que l’on vit dans un État jacobin, que les régions n’ont aucun pouvoir pour la langue, pour la radio ou la télévision, que les dés sont pipés d’avance. Après-guerre, l’intérêt de Paris dans cette France jacobine était de niveler notre langue, pour que l’on oublie cette riche histoire germanique. Nous sommes une province française, mais de culture germanique, on ne peut pas le nier, mais 75 ans plus tard, c’est sûr qu’il ne reste plus grand-chose de la langue, elle s’appauvrit d’année en année. C’est un génocide de langue opéré sciemment par le pouvoir. Donc oui, c’est vraiment un combat que j’ai exprimé clairement dans L’ombre verte.

Comment allez-vous, Simone ?

Tout va bien. Depuis juin, je suis officiellement à la retraite, c’est un tournant. Je mène une vie plus contemplative et plus sereine. C’est très agréable, j’ai plein de choses à faire, j’écris mes livres

www.lucille-uhlrich.com / www.simonemorgenthaler.com


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