Ce jour-là, j’étais là – Un secrétaire chez les ‘Femmes d’Alsace’

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Le lundi 4 mars 2002, je descends prendre le courrier, il y a une lettre de Françoise Giroud ! Elle souhaite bon anniversaire, oui déjà 10 ans, à l’association pour qui je travaille, Femmes d’Alsace. Je suis employé comme secrétaire, le seul homme, je gère le courrier, la photocopieuse, je fais le café pour les rendez-vous, et s’il le faut, je cherche les enfants de mes patronnes à l’école, quand les réunions se terminent tard. J’adore mon travail, mais je n’ai guère de temps libre, on me demande constamment « de faire un petit truc en plus », je n’ai guère d’heures régulières pour quitter le bureau. Tout avait commencé par une liste électorale pour le Conseil régional. « Que des femmes qui ont la pêche » selon les DNA. Le journaliste précise qu’elles ne sont ni aigries ni revanchardes, mais qu’elles ne dépasseront pas les 2% !

Le soir des élections, un score comme une bombe, 8% dans l’univers masculin, Liliane Gall est élue ! Sa fille vient d’accoucher alors la presse titre : « Une femme ! Élue et grand-mère ! » Victoire fêtée au foie gras arrosé de vendanges tardives apportées par les colistières ! L’association se développe, Femmes d’Alsace se présente à d’autres élections, des candidates, parfois contre leurs propres maris sur une autre liste ! Elles disent : « Le premier devoir d’un homme, c’est de respecter l’engagement de son épouse ! » D’autres associations voient le jour, Demain, la parité et Elles aussi.

En 1992 on ne parle pas vraiment de parité, tout juste de mixité. On explique qu’hommes et femmes sont différents, mais doivent être solidaires, le sexe est une notion encore tabou en politique. Une loi votée en juin 2000 a ses racines dans le mouvement alsacien :
sur une liste, 50% des candidats de chacun des deux sexes. Femmes d’Alsace qui accueille des femmes de gauche ou de droite pose la question d’éventuellement accepter des hommes dans l’association ?

« Nous sommes entrées par effraction là où on ne nous attendait pas, en ouvrant une porte pour l’avenir ! La révolution reste encore à faire, l’adoption d’une loi ne suffit pas, il faut l’appliquer. » Je viens de partir à la retraite, c’est fait, j’aurai le même montant qu’une femme secrétaire, et quand je me souviens de mes débuts il y a 35 ans, j‘ai l’impression que c’était le Moyen-Âge en Alsace !

Femmes d’Alsace, Michel Larcher, Jérôme do Bentzinger éd., 2002.

Ambroise Perrin