Christian Artzner – Perle rare

La Brasserie Perle a été fondée en 1882 par Pierre Hoeffel, l’arrière-arrière-grand-père de Christian Artzner qui a beaucoup voyagé, avant de se poser et de reprendre la marque tombée en désuétude au début des années 1970. Le maître brasseur et son épouse font renaître la marque en 2009, quarante ans après la fermeture de la brasserie. Il s’installe dans le quartier de la Meinau en 2015. Depuis le mois de mars, date du premier brassin, entre 5 et 6000 hl de bières sont produits à Strasbourg, dans une toute nouvelle usine que 30 000 véhicules peuvent apercevoir chaque jour, en passant sur l’autoroute à hauteur de Schiltigheim. Une histoire alsacienne.

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Votre passion pour la bière remonte à l’adolescence, c’est vrai ?

Oui. J’ai traîné dans des manifestations comme Eurobière à l’époque, c’est devenu une passion. Après, je me suis lancé dans des collections de sous-bocks, j’ai visité des brasseries en Belgique, en Bavière. Un jour au lycée, un copain m’a offert un livre qui parlait des méthodes pour faire sa bière à la maison et j’ai commencé à brasser. Puis, j’ai fait médecine, mais je me suis vite rendu compte que ce n’était pas mon truc. J’ai découvert qu’il y avait des écoles de brasserie. J’ai postulé en Europe et on m’a accueilli à Édimbourg. J’avais la chance d’être bilingue, c’était sympa, l’Écosse, une brasserie, une distillerie… J’ai obtenu mon diplôme en 1999. Je suis brasseur.

Et après ?

J’ai continué de me former, j’ai fait des stages à gauche et à droite, en Belgique, en Bavière et en Alsace. Après, j’ai passé six mois dans une brasserie qui venait de démarrer dans les Alpes, et j’ai rejoint Kronenbourg qui avait été racheté par le groupe Scottish & Newcastle. J’ai passé cinq ans à Édimbourg, puis au Nigeria. À l’époque, pour nous protéger, on dormait dans les brasseries. Ensuite, j’ai passé deux ans aux États-Unis, ce qui m’a permis de m’immiscer dans l’univers des bières artisanales, puis je suis rentré en Alsace en 2007 avec ma femme.

Christian Artzner, Perle est son histoire. / ©eg
Cette passion pour la bière est évidemment liée à votre histoire familiale ?

Un petit peu, mais pas au début. Mon arrière-arrière-grand-père a fondé la brasserie et l’a vendue à Charles Kleinknecht, un ingénieur brasseur. Donc, l’affaire a quitté la famille. L’une des filles de cet ingénieur s’est mariée avec l’un de mes grands-oncles et la brasserie est revenue par alliance dans la famille. Mais ça ne suffira pas, dans les années 70, l’aventure s’est quand même terminée, comme pour de nombreuses brasseries familiales alsaciennes. Du coup il n’y a pas cette fierté familiale. Mais j’ai connu Frédérique Kleinknecht, l’une des filles de Charles, je me souviens que, quand j’ai commencé à être passionné par la bière, elle m’a offert des sous-bocks. Elle était la première femme ingénieur brasseur de France, diplômée en 1929. Elle a tenu l’entreprise pendant plusieurs années avec sa sœur et leurs époux respectifs, mais l’histoire s’est quand même mal finie. Donc ce n’était pas vraiment une fierté.

Perle s’est arrêtée pendant quarante ans, c’est beaucoup de temps pour la faire
renaître ?

Oui, mais le nom est évocateur, il y a encore des plaques émaillées ou des enseignes devant les restaurants. La marque était connue et reconnue pour ses qualités. À l’époque, toutes les brasseries avaient un orchestre et il reste un témoin des années 70, l’orchestre Perle qui jouait pour des ouvertures de magasin, pour des messtis dans les villages, même pour le mariage de mes parents. Lorsque j’étais à Saint-Louis aux États-Unis, j’avais déjà le projet de revenir en Alsace en tête, en pianotant sur Internet, j’ai découvert que l’orchestre existait encore, avec Bernard Balva, le chef d’orchestre. Lorsque j’ai ouvert le site Perle à la Meinau, je l’ai appelé et on les a fait jouer.

L’une des affiches historiques de la brasserie alsacienne. / ©Dr
Vous brassez 5 à 6000 hl par an, quels sont vos objectifs ?

De rester aussi bon, voire d’améliorer encore la qualité, de continuer à faire la promotion de cette belle histoire familiale. On a envie de grandir sereinement. Nous sommes relativement bien distribués chez tous les acteurs du monde de la bière, que ce soient les circuits traditionnels comme les grandes surfaces. Notre rôle est de fournir « autour de la cheminée, du barbecue ou du four à tarte flambée », la meilleure bière que l’on puisse fabriquer. L’Alsace avait un peu de retard dans le développement des brasseries locales, mais les consommateurs alsaciens sont heureux de retrouver un large choix.

C’est quoi une Perle ?

Eh bien, c’est une bière brassée à la Brasserie Perle qui, du coup, est le fruit de notre travail, de notre passion, de notre amour de la bière. C’est un travail à taille humaine, à taille artisanale, c’est très important pour moi. Nous sommes dix à travailler ici, et l’attention est portée sur les détails, le mot-clé s’il y en a un, c’est qualité. On sort la meilleure bière possible, avec une belle variété.

Le chiffre : 2 000 000

C’est le nombre de bières brassées chaque année par Perle. Les ¾ sont vendus dans les bars, cafés et restaurants, le reste en bouteilles. (Une bière, donc un demi correspond à 25 cl.)