Claude Kern « J’ai mes attaches en Alsace du Nord. Cela reste mon ADN »

L’ancien maire de Gries a été réélu sénateur au sein du groupe Union des Démocrates et Indépendant – UC (UDI et Modem). Il est membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ainsi que celle relative aux affaires européennes, avec l’envie de renforcer le rôle de Strasbourg en tant que capitale européenne. Il a reçu Maxi Flash chez lui, entre un aller-retour Alsace du Nord-Paris, pour le temps du dialogue.

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Vous avez déclaré que vous vouliez remettre l’élu au cœur de la république, qu’est ce que cela signifie ?

Qu’il faut redonner confiance aux élus locaux ! On voit le rôle important qu’ils jouent en ce moment. Je pense que nous aurions eu d’autres soucis si pendant la crise ils n’étaient pas là. Les maires, les adjoints, les conseillers municipaux, je pense qu’ils ont rempli leur rôle, comme le Conseil départemental.

C’est pour cela que vous êtes signataire de la proposition de loi qui renforce le rôle des communes et des élus municipaux ?

Les élus reçoivent des tonnes et des tonnes d’informations, souvent illisibles, il faut les lire trois ou quatre fois pour comprendre les directives parisiennes. Le problème que l’on a aujourd’hui, c’est la déconnexion. On ne peut pas faire appliquer les mêmes règles à Paris qu’en province, on n’a pas les mêmes besoins dans la Creuse que dans le Bas-Rhin. Au début du confinement, le couple préfet-maire a très bien fonctionné, mais malheureusement cela n’a pas duré. L’État veut reprendre ses prérogatives, mais je pense que sans l’élu local, l’État n’y arrivera pas. Il faut adapter les directives aux territoires. Ce que l’on demande c’est un vrai statut pour l’élu local, cela fait des années qu’on en parle, il n’existe toujours pas. Il faut valoriser la fonction du statut de l’élu, car exercer une activité professionnelle en plus de la fonction d’élu, si c’était faisable avant, aujourd’hui c’est beaucoup plus difficile tant la charge de travail est lourde, dans un mandat souvent court.

Mais le fait de garder un pied dans la société civile permet d’être moins déconnecté, et de moins dépendre de la politique, non ?

Je suis tout à fait d’accord là-dessus, mais le problème c’est qu’il faut trouver des solutions. Dans les petites communes, l’élu est encore plus sur le terrain que celui d’une grande commune. Pour les sénatoriales, j’ai fait la tournée des 514 communes, vous avez des élus qui n’ont aucun agent technique, parfois une secrétaire seulement dix heures par semaine, certains travaillent seuls.

Le Président du Sénat, Gérard Larcher disait que l’élu local est « Populaire, car à portée d’engueulade » !

Oui, c’est vrai, pour l’avoir vécu je peux vous le dire. La majorité des problèmes que vous avez à gérer sont des problèmes de voisinage, de permis de construire, de chiens qui aboient la nuit. Être à portée d’engueulade, c’est vraiment ça. Et en plus, les gens disent que de toute façon le maire est payé pour cela.

C’est à l’image de la société, il n’y a plus de respect de la fonction, c’est pareil pour les profs…

Il faut retrouver les valeurs de la république, montrer qu’elle existe encore. Si l’on parle de ce qui s’est passé à Conflans, je pense que l’on ne peut plus se passer de la répréhension. Il faut montrer qu’en France la libre expression est un droit. Un acte fort serait que l’on applique la loi. Il faut aussi la durcir dans les cas de radicalisation, et oublier le politiquement correct, parfois. Il faut sanctionner ceux qui incitent à la haine. Nous ne pourrons plus l’accepter. Aujourd’hui dans la majorité des cas, la justice ne remplit plus son rôle. Nos lois respectent les droits de l’homme, il faut les appliquer et ne pas les interpréter. Il faut montrer qu’en France, on fait ce que l’on veut… Quand on est dans la légalité.

L’écrivain Boualem Sansal a déclaré juste après l’attentat que la France ne comprend toujours pas ce à quoi elle est confrontée, qu’elle subit une guérilla islamiste qui atteindra un jour les dimensions d’une guerre totale.

Oui, c’est une idéologie. Je ne suis pas islamophobe, mais faire la différence entre l’islam et l’islamisme, ce n’est pas toujours évident.

Qu’est-ce qu’on a raté en France pour en arriver là ?

Une éducation. Je pense que ça passe par là. À force de réformer les programmes, de ne plus pouvoir parler de certains faits historiques importants, le fait d’avoir supprimé l’instruction civique. Tout cela a déconnecté nos jeunes des vraies valeurs de la république.

Revenons à vous. Vous habitez toujours à Gries, quel est le rôle du sénateur que vous êtes pour défendre ce territoire, même si ce n’est pas la première fonction d’un sénateur ?

Je suis chez moi ici, dans les communes de l’Alsace du Nord. Je suis resté conseiller municipal et conseiller communautaire, et je consulte les maires du Bas-Rhin. Je ne prends pas de position sans avoir les avis des uns et des autres. C’est important parce qu’avec la loi sur le non-cumul des mandats, que je ne condamne pas, il y a eu une déconnexion entre la fonction nationale et le terrain. Être proche des maires peut recréer cette connexion. J’ai mes attaches en Alsace du Nord. Cela reste mon ADN.

ADN, comme Alsace du Nord… Les maires en place ont souvent été réélus sur ce territoire où les valeurs semblent très ancrées…

Il y a eu très peu de surprises effectivement parce que le travail est reconnu. Et cette reconnaissance renforce les élus en place qui continuent sur leur lancée. C’est un territoire qui a trouvé une dynamique, qui se développe et qui a de l’avenir.

Un mot sur la Collectivité Européenne d’Alsace qui sera en place le 1er janvier. Au sein de la grande région, l’Alsace devient un département unique, qui n’a pas de compétences particulières, on ne le dit pas assez franchement. Êtes-vous d’accord ?

Oui. Aujourd’hui je suis d’accord avec ça, c’est notre rôle de renforcer les compétences et de créer une dynamique supplémentaire pour cette CEA. C’est une première étape. Dans le cadre du projet de loi qui tarde à arriver sur la différenciation et la décentralisation, nous devons apporter plus de compétences.

Pendant cette conversation nous avons souvent fait le constat que les choses n’avancent pas très vite en France…

C’est notre problème de sur administration. Exemple : Est-ce que vous trouvez normal que pendant le confinement, entre le moment où le ministère a donné son accord pour que les laboratoires départementaux fassent des tests dans les EHPADs et la signature par l’ARS, il se soit passé trois semaines ? Il y a beaucoup d’autres exemples. C’est un problème de confiance dans les élus locaux. Quand on parle de remettre l’élu local au cœur de la république, on parle
de cela.