Daniel Hoeltzel – Il vit un conte de Noël alsacien

Il avoue que sa passion pour le théâtre lui prend plus de temps que son métier : Daniel Hoeltzel tient le Cellier celte à Hohwiller, où il a établi son foyer en 1990. S’il a grandi à Reimerswiller—c’est lui qui a lancé la troupe d’Elsassich Buehn à 20 ans—, les planches du Théâtre Saint-Nicolas de Haguenau l’ont appelé, avant d’en devenir le metteur en scène et le vice-président. Il prendra sa retraite professionnelle en 2024, laissant ainsi la place à ses cinq pièces annuelles, dont le traditionnel conte de Noël, les tournées, et l’Elsass’tival à Soultz en alternance avec le spectacle historique à Hatten.

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Daniel Hoelzel. / ©sb
Quand est née votre passion pour le théâtre ?

Je me souviens qu’à 7-8 ans, je faisais déjà du théâtre, des pièces à l’école, et que je n’ai raté aucun conte de Noël sur Haguenau depuis l’âge de 6 ans ! Même à 18 ou 20 ans, j’y suis allé seul, aucun copain ne voulait m’accompagner ! Au départ, mes parents m’y emmenaient, on allait même à Strasbourg au TNS, j’ai vu quelques opéras aussi et la scène m’a toujours attiré. La première pièce que j’ai jouée, c’était un drame—ma passion—s’Lore Ewele.

Pourquoi avoir choisi le théâtre en alsacien ?

Par passion pour l’Alsace, et pour ma langue. J’essaye à travers le théâtre de promouvoir l’alsacien : ce n’est pas seulement parler alsacien, mais le lire, le crier, le chanter, et ce qui va 100% avec, c’est l’histoire de notre Alsace. Je pense que pour faire venir des gens qui ne connaissent pas l’histoire, il faut la leur raconter d’une autre façon qu’avec des dates, c’est pour ça que j’ai démarré des grands spectacles et des pièces qui ont un certain sens. 5000 personnes passent à Hatten, parce que c’est grandiose, et quand ils partent ils ont appris quelque chose.

Comment êtes-vous passé d’acteur à Reimerswiller à metteur en scène au théâtre Saint-Nicolas de Haguenau ?

J’ai été mis devant le fait accompli en 1996, le metteur en scène était malade et depuis je me suis occupé de toutes les pièces. Au départ, le théâtre Saint-Nicolas m’a découvert dans l’association de théâtre que j’avais créée à Reimerswiller*, et j’y suis entré en tant qu’acteur. Puis je me suis formé à la mise en scène, et depuis quelques années, nous organisons des formations groupées avec des professionnels, pour la cohésion d’équipe, sur la technique théâtrale, avoir différentes visions…

Daniel Hoeltzel sur scène avec le Théâtre Saint-Nicolas de Haguenau. / ©dr
Avez-vous une touche personnelle de mise en scène ?

Peut-être que j’ai été l’un des premiers à intégrer de la musique dans les comédies et les drames, une bonne musique sur les voix et les monologues, j’aime bien que l’acteur se fonde un peu dans cette mélodie. Ce n’est pas un chant, mais une harmonie entre musique et texte.

Qu’en est-il du couple auteur/metteur en scène, comment travaillez-vous ?

Si on prend par exemple Raymond Weissenburger, je lui commande des textes en donnant un thème, ou alors l’inverse et moi je fais un canevas. C’est lui qui écrit tout, je respecte 99,99% du texte et je tiens à ce que les acteurs aussi. On ne rajoute ni n’enlève rien, le texte a été pensé pour une pièce, on le respecte. Je pense qu’il y a l’auteur d’un côté et le metteur en scène de l’autre, et la pièce peut être vue différemment: le metteur en scène doit être libre d’interpréter selon un fil conducteur.

Le Théâtre Saint-Nicolas propose une pièce pour Noël comme tous les ans**, de quoi parle-t-elle ?

C’est un conte de Noël commandé à Raymond Weissenburger, De G’sang vum Stern, sur la première crèche datée de 1223, soit 800 ans. Nous répétons depuis trois mois et je chapeaute les équipes décors, costumes, communication, également les 24 enfants de l’école ABCM, c’est bien structuré.

Justement, quelle est la nature de votre intervention auprès des enfants de l’école immersive en alsacien ABCM de Haguenau ?

J’essaie de leur donner le goût du théâtre, même si c’est du théâtre en alsacien, j’explique les mots techniques français, côté cour, côté jardin, le cintre, etc. pour qu’ils voient ce que c’est le théâtre, les techniques théâtrales, comment on parle, la respiration. Tous vont sur scène, j’y tiens ! L’important est déjà qu’ils entrent dans le théâtre, ils sont émerveillés, les rideaux qui montent en quelques secondes, les lumières, se faire maquiller… Les petits vont jouer des fils de berger, et d’autres auront deux ou trois répliques. Mais c’est très difficile, il faut rester connecté et savoir quand c’est son tour. Parfois ils font un petit coucou à la mamie dans la salle, mais il faut leur laisser ça !

Daniel Hoeltzel sur scène avec le Théâtre Saint-Nicolas de Haguenau. / ©dr
Le théâtre en alsacien peut-il être l’un des vecteurs de la sauvegarde de la langue ?

Oui, mais je n’en suis pas persuadé. Je le dis toujours à la fin des représentations, je préférerais presque que tous les théâtres soient en français et que l’alsacien soit parlé à la maison avec les enfants. C’est très difficile, puisque beaucoup d’associations font leur pièce une fois l’an, j’entends dire que c’est la langue du théâtre. Mais non, c’est la langue de l’Alsace ! C’est avec l’immersion à l’école qu’on pourra peut-être maintenir la langue. Moi qui suis grand-père depuis août 2022, je ne parle que l’alsacien avec mon petit-fils.

Mais les troupes de théâtre alsacien sont-elles en perte de vitesse ?

Des troupes disparaissent, comme à Reimerswiller et surtout dans le Haut-Rhin, parce qu’il n’y a plus assez d’acteurs. L’avantage à Haguenau, c’est que nous sommes une quarantaine d’acteurs, hommes, femmes, et jeunes à partir de 16 ans. Nous recrutons pour le spectacle d’été 2024 à Hatten sur la Libération, 80 à 100 figurants, avec des tanks, des maisons qui brûlent, des pyrotechniciens… C’est un budget entre 120 et 150 000€ pour dix à douze représentations, remplies en quelques jours.

Vous faites partie de la Fédération des théâtres alsaciens, de quoi s’agit-il ?

Je suis le vice-président de la Fédération qui regroupe les théâtres de Strasbourg, Hochfelden, Schiltigheim, Colmar, Mulhouse, Saverne, et Haguenau. On travaille ensemble, on se soutient mutuellement, et on essaie de sortir des pièces de qualité. Le critère pour entrer est de faire au moins deux pièces par an, que ce soit vaudeville, cabaret, grand spectacle, drame, c’est varié. Des pièces sont traduites aussi du français, comme La cage aux folles: l’adaptation est en préparation.

Montez-vous encore sur scène vous-même ?

Non, mais je suis toujours habillé, pour que je puisse entrer sur scène s’il y a quoi que ce soit, c’est arrivé quand il y avait des lenteurs, ou dans les scènes de masse, par exemple dans 1870 avec une trentaine de chevaux, c’était un peu dangereux. Mais je n’ai jamais regretté, ma femme fait aussi partie de la troupe de Haguenau, mon fils joue, on va beaucoup au théâtre… Je ne crois pas que je puisse m’endormir sans avoir lu une scène ou un poème, tous les soirs, c’est ma passion.

(*) Fabien Mosser, le fils du président fondateur de la troupe de Reimerswiller Laurent Mosser, précise que cette association a été créée sous l’impulsion d’un groupe de personnes du village, dont Daniel. Le metteur en scène Gilbert Erhold, Albert Fischer, Hubert Erhold et d’autres se sont longtemps impliqués dans les Elsassich Buehn Reimerswiller.

(**) Les 8 et 9 décembre à 20h et le 10 à 15h au théâtre de Haguenau ; les 15 et 16 à 20h et le 17 à 15h à la Saline à Soultz-sous-Forêts.

Réservations www.theatre-st-nicolas-haguenau.fr