Du sens

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L’autre jour, je lisais le premier papier de notre série d’été de notre journaliste Léo Doré autour des carrefours à sens giratoire ou ronds-points d’Alsace et j’ai repensé à Plaisir des sens, le sketch de Raymond Devos publié en 1958. J’ai cliqué sur Internet et je me suis bien marré, comme à chaque fois. L’été est là et le sens du vent est au prélassement, alors j’ai décidé de le publier dans Maxi Flash, histoire de partager cet objet littéraire tellement génial.

La circulation, ça ne s’arrange pas du tout. J’étais dans ma voiture, j’arrive sur une place, je prends le sens giratoire. Emporté par le mouvement, je fais un tour pour rien. Je me dis ressaisissons-nous, je vais prendre la première à droite. Je vais pour prendre la première à droite : sens interdit. Je vais pour prendre la deuxième : sens interdit. La troisième : sens interdit ! Je me dis là ils exagèrent ! Je vais prendre la quatrième : sens interdit ! Je dis je refais un tour pour vérifier. Quatre rues, quatre sens interdits !

J’appelle l’agent. Monsieur l’agent, il n’y a que quatre rues et elles sont toutes en sens interdit. Il me dit je sais, c’est une erreur. Je lui dis mais alors… pour sortir ? Il me dit vous ne pouvez pas. Alors, qu’est-ce que je vais faire ?

Tournez avec les autres ! Ils tournent depuis combien de temps ? Y’en a ça fait plus d’un mois. Et ils ne disent rien ? Que voulez-vous qu’ils disent ? Ils ont l’essence, ils sont nourris, ils sont contents ! Mais, il n’y en a pas qui cherchent à s’évader ? Si ! Mais ils sont tout de suite repris. Je dis par qui ? Par la police, qui fait sa ronde, mais dans l’autre sens. Je dis ça peut durer longtemps ! Jusqu’à ce qu’on supprime les sens. Si on supprime l’essence, il faudra remettre les bons. Il n’y a plus de bon sens, ils sont uniques ou interdits. Donnez-moi cent francs. Pourquoi ? C’est défendu de stationner, et trois cents francs ! De quoi ?

De taxe de séjour ! Ça commence bien ! Il me dit tâchez que ça continue, sans ça, je vous aurai au tournant ! Alors, j’ai tourné, j’ai tourné. À un moment comme je roulais à côté d’un laitier, je lui ai dit dis-moi laitier, ton lait va tourner ! T’en fais pas, je fais mon beurre. Ah ben je dis celui-là il a le moral ! Je lui dis qu’est-ce que c’est que cette voiture noire qui ralentit tout ? C’est le corbillard, il tourne depuis quinze jours ! Et la voiture blanche là, qui vient de nous doubler ? Ça, c’est l’ambulance. Priorité ! Il y a quelqu’un dedans ? Il y avait quelqu’un ! Où il est maintenant ? Dans le corbillard !

Je me suis arrêté, j’ai appelé l’agent, je lui ai dit, monsieur l’agent, je m’excuse j’ai un malaise. Si vous êtes malade, montez dans l’ambulance !