L’œillet d’Inde

On croirait cette fleur d’Alsace tant elle est présente en nos jardins. Elle ne vient pas d’Inde, mais d’Amérique du Sud et réjouit le regard du printemps jusqu’à l’arrivée des frimas. Son parfum typé est adoré ou détesté. Et sa dénomination alsacienne donne le ton : « stìnketer Hoffàrt » signifie l’orgueil qui pue.

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Voilà une expression brute de coffre, mais qui ne rend pas justice à cette annuelle, pas compliquée et dont j’aime le parfum, un condensé de chlorophylle et d’herbes médicinales, à la fois robuste et fin. Les couleurs de ses fleurs vont du jaune citron, à l’orange et jusqu’au marron. Elles peuvent être dans une teinte unie, mais souvent les trois teintes se retrouvent mélangées.

Outre son charme, cette plante, de la famille des astéracées (nommés Tagetes patula en latin) a un avantage majeur : elle est répulsive pour les insectes. Elle apporte donc un gage de bonne santé au potager ou dans les parterres fleuris. N’hésitez pas à la planter près des rosiers et des plants de tomates. Elle fait fuir les insectes qui détruisent les légumes, notamment les pucerons. Elle fait également fuir les fourmis et ces minuscules vers nommés nématodes. On l’aperçoit d’ailleurs souvent dans les potagers, harmonieusement mêlée aux plates-bandes de légumes, dont elle est l’alliée.

On peut aussi faire une décoction avec les feuilles et en vaporiser les plantes ou les légumes que l’on souhaite préserver des insectes, notamment des pucerons.

Ces fleurs auraient une odeur qui indispose également le chiendent (nommé Zwecke ou Zwacke en alsacien). Celui-ci reste mon ennemi botanique le plus coriace, toujours invaincu à ce jour : les œillets d’Inde n’en sont pas venus à bout.

L’inconvénient de l’œillet d’Inde, c’est qu’il est adoré des escargots et des limaces qui le mangent comme une friandise et peuvent le ratiboiser en une nuit, en ne laissant qu’une tige maigrelette.

On sait moins que cette plante est comestible, que ses pétales peuvent être mélangés à une salade de fruits ou dans un beurre aromatisé. Ses pétales colorient aisément un aliment en jaune. Voilà pourquoi on nomme aussi cette fleur « le safran du
pauvre ». Pour la consommation, n’utilisez toutefois que des pétales dont vous avez la garantie qu’ils n’ont pas subi de traitements chimiques.

©Simone Morgenthaler

Il est conseillé de supprimer les fleurs des œillets d’Inde au fur et à mesure de leur fanaison : cela active l’apparition de nouvelles fleurs. Pincer la fleur desséchée, la détacher et sentir son craquèlement dans la paume de main est un petit rien qui procure du contentement.

Vous êtes nombreux à m’avoir apporté des précisions sur cette fleur. Ainsi Lily Stirman a précisé que sa maman les appelait Stìnkgräsele (petites herbes puantes). Certains d’entre vous les appellent Stìnkerle (petits pueurs), ou Kìrichhoftblüem, ce qui signifie la «fleur du cimetière», car cette fleur est appréciée pour sa rusticité et son peu d’exigence en arrosage. En allemand, ces fleurs s’appellent «Tagetes». Les Allemands la nomment aussi «Studentenblume», c’est-à-dire la fleur des étudiants.

©Simone Morgenthaler

Vos témoignages me disent aussi combien vous craquez pour son parfum, au point que parfois vous décrivez l’odeur de l’œillet d’Inde comme une «madeleine de Proust».

N’oubliez pas à l’automne de prélever quelques fleurs séchées, ainsi vous pourrez au printemps semer leurs graines et régaler en été votre regard de cette palette éblouissante.

Cette fleur, qui est annuelle (c’est-à-dire qui ne vit qu’un an), se sème aisément au printemps. Vous pouvez faire les semis sous abri à partir de février et les repiquer en mars ou avril, ou alors les semer directement en pleine terre en mai, après les saints de glace. Vous aurez vite un parterre gratifiant et peu exigeant.

Je les ôte généralement de mon jardin à la fin de l’automne. Pour l’heure, je savoure encore leurs couleurs et leur parfum. Ensuite, elles serviront de couvre-sol, de compost ou de nourriture pour les escargots. Tout est cycle dans la nature et rien ne se perd. Bel automne !