Retour rue des fourmis #24 Les processions

0
263
Ambroise Perrin ©EG

Des pétales de fleurs pour le Mois de Marie ou la Fête-Dieu, je ne sais plus, et c’était pour jeter pendant la procession. Des hommes portaient la statue en bois, le curé une grande croix et les enfants de chœur, dans une chasuble en dentelle de la sacristie, marchaient devant ; celui qui avait de la chance tenait l’encensoir et essayait de le faire tourner le plus haut possible, sans que le couvercle ne tombe. On chantait « ma lumière est mon salut » et nous les malins on murmurait « ma lumière, c’est mon sale cul », personne ne l’a jamais remarqué.

J’étais servant de messe à Saint-Georges parce que j’aimais le théâtre, tourner autour de l’autel et tenir la coupelle à la communion. Et quand un jour ce fut Monique, ma main tremblait tellement que le curé m’a regardé, étonné. Tôt le matin, à 7h, c’était la messe de l’abbé Burg, il fallait vraiment arriver à l’heure et entrer par la petite porte du haut, car il commençait sans attendre ; je l’ai rencontré une fois à la bibliothèque du musée et il m’a fait visiter les caves où il y avait des silex de plusieurs millions d’années trouvés dans la forêt près du Gros Chêne.

J’ai fait la première communion mais pas la solennelle, je n’avais pas voulu, j’étais déjà
« révolté » comme disait papa. Mais j’ai quand même fait semblant à cause de mon frère un an plus jeune, on devait la faire ensemble pour organiser un seul repas de communion avec toute la famille, venue parfois de loin, des Vosges. Mon frère a-t-il eu une montre de son parrain ? Et tous les deux on était en costume de tergal gris brillant, chacun le sien, et ajusté sur mesure, acheté chez Tillwy. Je me souviens que madame Tillwy avait laissé long le bas du pantalon, « ils vont encore grandir » avait dit maman.

Pour les fleurs des processions, on allait sonner aux maisons avec jardin et on demandait
poliment : les gens prenaient un sécateur et nous coupaient celles un peu flageolantes, le mieux c’étaient toujours les roses avec beaucoup de pétales.

Ambroise Perrin