mercredi 15 mai 2024
AccueilChroniquesLes balades en couleur d'André MullerSébastien Bilon, le décapant, décapeur !

Sébastien Bilon, le décapant, décapeur !

Il y a des personnes qu’on a envie de mettre dans la lumière comme une étoile qui scintille au firmament, dessiner un portrait, l’encadrer au-dessus de sa cheminée, ou l’encadrer dans ma chronique, du Maxi trotteur. Mais pour koi ? j’sais pas trop ! Juste pour découvrir l’autre, qui est-il ? À quoi pense-t- il ? Que fait-il de sa vie si précieuse, où fleurit-elle par son travail ?

Alors, nous allons chers Maxi-Läser trottiner, main dans la main, vers une célèbre rue de Strasbourg, la rue Jean-Jacques Rousseau, du quartier du Wacken-city. Mon invité-surprise Sébastien Bilon décape douze radiateurs en fonte Art nouveau d’un charme dingo à faire pâlir les frileux qui se glissent sous un édredon. Notre décapant, décapeur, restaure les radiateurs en épluchant les différentes couches de peinture ternies par le temps. Un chantier colossal qui se trouve tout au début de cette célébrissime rue du promeneur solitaire.

D’létscht, dékapïere mit sin beizmittel

Dans notre région la technique du décapage a totalement disparu, l’unique décapeur résiste honorablement en immersion. Vous vous demandez les Maxi läser ! Ya warum ? C’est un métier fastidieux, travailler dans du mouillé, le processus est très long, les peintures sont tenaces, résistent aux faibles produits.

Avant d’y aller, je dois vous raconter ma biscotte !

Ma journée ne commence pas trop mal, comme au pays des Bisounours. Assis dans ma cuisine, la porte du balcon grande ouverte, il fait beau, une lumière éclatante, printanière accompagne mon petit-déjeuner. J’entends un passereau zinzibuler sur le cerisier en fleurs, je reconnais le merveilleux chant du merle noir. Au petit-déj, je rêvasse, j’étale soigneusement le beurre, la confifi d’abricot sur ma biscotte, encore radarisé, ensommeillé, les yeux chassieux quand, soudain, d’une soudaineté rare, je perds le contrôle de ma délicieuse biscotte, elle atterrit, je la suis des yeux, presque au ralenti ! Splashhhh dans mon grand bol de café noir ! Pas d’bol ! Il y a des kàffee-sprïtzflecke sur la nappe blanche ! Nunde buckel ! Il est temps de déguerpir. Je rassemble mes quatre affaires, dictaphone, calepin, stylo, ma besace sans oublier mon couvre-chef, mon portable. D’un pas pressé, mon chemin chemine à travers le square Tomi Ungerer, des bouquets d’arbres fleurissent comme des pompons roses, et coiffent cette belle place publique.

André Muller a rencontré Sébastien Bilon au 15 route de Vendenheim à Strasbourg. 03 88 69 40 78. / ©dr

Le nez en l’air, j’observe le square verdoyant, entouré de maisons typiques, d’une architecture avenante. Je traverse la rue Voltaire, j’entends déjà les premiers soubresauts d’une machine qui pétarade, je suis bien à mon lieu de rendez-vous. La camionnette est bien à côté de cette infernale machine, à énerver tout le voisinage. Sur le flocage on peut lire « SDI décapage BILON ». C’est une villa cossue, complètement désossée, un chantier poussiéreux. Trois câbles de survies serpentent, m’amènent vers un scaphandrier de plongée. Un homme en scaphandre vert, la tête enfouie sous un méga casque de Goldorak, alimenté en air par le compresseur. Au bout de ses mains, il tient fortement un tuyau en acier qui projette une mixture d’abrasif à base de coquilles de noix concassées. Une poussière jaunâtre enrubanne son chantier, pire que les vents de sable du Sahara. Il est là, notre décapant décapeur, Sébastien Bilon me fait un signe de la main, komm, komm André le journaleux. Pour le rejoindre, j’enfonce mes chaussures fraîchement cirées, noires, dans cette masse poudreuse, jaune ocre, berrkkk. À l’aide d’une Game Boy, Sébastien stoppe net son compresseur à l’autre bout du chantier côté rue. Il enlève son attirail, casque, gant, tout sourire, le travailleur me serre fortement une main poudreuse.

« La plupart du temps, je décape des maisons à colombages, des escaliers en bois massif d’une maison alsacienne, c’est aussi protéger et prolonger notre patrimoine. » / ©dr

– Salut Maxi-trotteur, oh désolé pour tes chaussures, fallait venir en bleu-d’chauffe !

– Bonjour, Sébastien, tu sais j’ai l’habitude de me salir ! Tu es impressionnant avec ton accoutrement vert fluo, futuriste.

– Pour l’aérogommage, il faut vraiment se protéger, c’est une technique novatrice 100% écologique avec de l’abrasif et de l’air pour éclater le vernis, les peintures. Sur ce chantier, je redonne vie à des radiateurs en fonte incrustés de motifs fleuris très tendance, que mon client laissera en couleur naturelle.

– Combien pèse ce mastodonte composé de 18 éléments ?

– 350 kilos, extrêmement lourd, je mets presque deux heures pour éplucher et redonner une nouvelle vie à ce radiateur d’1m50 de haut, j’en ai 12 à décaper.

– Comment as-tu choisi ce métier de décapeur ?

– C’est mon père, mon héros, qui m’a transmis sa passion il y a plus de 35 ans.

– Un métier presqu’oublié ?

– Non ! Nous sommes une petite poignée d’aérogommeurs en Alsace, mais en décapage en immersion, je suis le seul.

– Immersion, was ich diss ?

– En immersion c’est comme une machine à laver, j’utilise les mêmes produits non toxiques, comme pour faire une lessive, je décape des buffets de la mamema qui deviennent comme neuf en conservant l’ancien. Mais la plupart du temps, je décape des maisons à colombages, des escaliers en bois massif d’une maison alsacienne, c’est aussi protéger et prolonger notre patrimoine.

– Es-tu un homme heureux, Sébastien ?

– Je suis, tu sais, plus qu’heureux mon cher André. Je suis un passionné du décapage, pour rien au monde j’échangerais mon métier.

– Tu as des projets pour cette année, le décapeur décapant ?

– Oui j’ai engagé un jeune plein d’avenir, un philosophe du travail, du décapage, un aérogommeur très habile, son nom c’est Tanguy Stocky, qui va me prêter main-forte et sera mon nouvel associé.

– Un grand merci, Sébastien, j’ai de nouveau appris plein de choses de ton métier presqu’oublié, mais avec mon billet Maxi-Flash il sera dans la lumière et fera certainement des envieux.

Et voilou, pour cette charmante rencontre. À très vite liewi Maxi-läser pour une nouvelle aventure dans un petit coin de notre paradis alsacien.

À plume !! Wasssss !!! À fedder si tu préfères !

André Muller

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