Brumath – Marcel Weinum, un héros centenaire

Le 5 février, Marcel Weinum, originaire de Brumath, aurait eu 100 ans. Qui était ce Résistant fondateur du réseau La main noire, condamné à mort à l’âge de 18 ans ? À l’heure où les conflits identitaires font toujours rage, Maxi Flash revient sur son destin.

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Marcel Weinum, une photo transmise par Sophie Quirin-Kleinmann, la fille de René, membre de La main noire (1923- 2009). / ©Dr

La courte vie pourrait faire un film, dont le titre est tout trouvé, La main noire. Mais où Marcel Weinum est-il allé chercher ce nom ? Né le 5 février 1924, il a été élevé à Brumath entre la maison maternelle de Mathilde Schneider et celle de son frère de lait, Charles Lebold. Sa mère épouse Robert Weinum, « le voisin de derrière » (*), un boucher qui décide d’établir sa famille à Strasbourg-Neudorf en 1936, un an après la naissance de Mariette. Déjà servant de messe, Marcel entre au collège Saint-Étienne et à la Maîtrise de la cathédrale. C’est dans l’abbaye qu’il voit une relique de Sainte-Attalle, dont la main bienfaitrice a été noircie par le temps…

Évacué en Dordogne avec sa famille, il revient en 1940 faute de moyens financiers et prend de plein fouet l’accueil en gare de Strasbourg : salut hitlérien, chants de propagande et drapeaux nazis ont envahi sa ville. Il n’en faut pas plus au garçon de 16 ans pour rassembler une trentaine de camarades strasbourgeois et brumathois, et organiser dès septembre 1940 des actes de résistance : sabotages de moyens de communication ou transport, graffitis, tracts, vitrines brisées… Des grenades sont récupérées dans les forts abandonnés, et, dans son acte le plus marquant, Marcel accompagné d’un camarade en lance deux à travers le pare-brise du Gauleiter Robert Wagner le 8 mai 1941.

Cinq membres de La main noire dont Weinum posent devant le monument aux morts de Strasbourg. / ©DR/Quirin

Transférés, interrogés, exécutés

Quelques jours plus tard, avec son ami Ceslav Sieradzki, ils tentent de rejoindre le consulat britannique en Suisse à bicyclette, mais sont arrêtés après avoir tiré sur des douaniers. Ils sont transférés à la prison de Mulhouse et interrogés, un co-détenu de Sieradzki permet l’arrestation de 26 membres de La main noire… Sieradzki est emmené à Schirmeck et sera le premier Résistant exécuté reconnu officiellement.

En mars 1942, devant le tribunal de Strasbourg, dix membres du réseau comparaissent. Weinum endosse l’entière responsabilité des actes de La main noire et est condamné à mort. Il est décapité le 14 avril 1942 à la prison de Stuttgart, à 18 ans. Une carte arrivera chez ses parents après sa mort, disant : « Chers parents, si je dois mourir, je meurs avec un cœur pur. Tout pour le Christ, moi je ne suis rien. Vous m’avez élevé pour faire un sacrifice. […] Héroïque fut notre combat, plus héroïque encore notre chute. »

(*) Source : bulletin n°50 de la SHABE, 2022, “Célébrité brumathoise” écrit par Sophie Quirin-Kleinmann.

À Strasbourg, une plaque commémorative rappelle que La main noire a été fondée à l’Abbaye Saint-Étienne. / ©sR

Des rues et un collège à son nom

Le président de la Société d’histoire et d’archéologie de Brumath et environs (SHABE), Louis Ganter, revient sur « le héros brumathois » Marcel Weinum. Avec Sophie Quirin-Kleinmann, la fille du membre de la Main noire René Kleinmann, ils ont fait salle comble fin 2022 pour une conférence sur « Les Brumathois dans la Résistance ». Tous deux continuent de rassembler des documents sur la période—photos, lettres, actes des condamnations—, alors qu’aucun membre de La main noire n’a laissé de journal.

Le collège de Brumath a été baptisé Marcel-Weinum. / ©sb

Selon le président, le nom de Marcel Weinum reste plus particulièrement dans les mémoires « parce qu’il a été condamné à mort, les autres ont participé aux sabotages, mais il a été le seul décapité ». Des plaques commémoratives se trouvent dans les rues de Brumath et Strasbourg. Bien que né à Brumath—Louis Ganter précise que « sa mère travaillait à Paris, et était enceinte »–, il a déménagé au Neudorf à 12 ans et est enterré au cimetière du Polygone. La maison de son enfance se trouve rue du Général Duport à Brumath.

Quant au collège de Brumath, finalement baptisé Marcel Weinum plutôt que Bernard Schreiner, Louis souffle que c’est la CeA qui a tranché, « mais son inauguration va encore faire polémique ». Que savent les collégiens de leur héros local ? Si l’historien est prêt à faire des conférences, il doute : « On parle très souvent de la guerre et de la Résistance, un jour il faut arrêter avec ça aussi, les gens en ont assez… Un héros d’il y a 70 ans, c’est vite oublié ».