Camera obscura de Gwenaëlle Lenoir

Dans un roman percutant et poignant, l’autrice nous emmène à la rencontre de César, ce photographe syrien qui a tout risqué pour montrer au monde l’indicible. Éditions Julliard.

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©Isabelle Arnoult

Gwenaëlle Lenoir, journaliste, a décidé l’espace de son livre, d’emprunter la voix de César dont elle a découvert l’histoire en 2014 et à qui elle a décidé de rendre hommage. Qui est César ? Le pseudonyme d’un Syrien, photographe, employé à la morgue de l’hôpital militaire de sa ville, qui a documenté les massacres du régime de Bachar al-Assad, grâce à son appareil photo. Pour pouvoir montrer au monde entier les corps torturés du régime de Damas, il a tout risqué.

Dans cette vie muselée, où les citoyens se doivent de porter fidélité au président et de le défendre avec « leur âme et leur sang », César est un homme prudent, un père et un mari aimant, vigilant à ne pas dévier du chemin, parcourant l’existence en s’en tenant aux principes enseignés. À la morgue, il a l’habitude de prendre les morts en photos. Les suicidées, les accidentés, c’est son métier. Pourtant les corps qui s’amoncellent de jour en jour, suppliciés, ne peuvent être passés sous silence. Des hommes, des femmes et des enfants dont César ne peut détacher ses pensées qui hantent ses nuits et sa conscience. L’homme n’a plus le choix et à défaut de délier sa langue, il va avec courage et abnégation, grâce à ses photos, faire parler l’obscurité du régime en donnant une pleine puissance aux morts, pour témoigner et montrer au monde la preuve d’un massacre à grande échelle. De ces images qui hantent, glaçantes, on retiendra l’ignominie et la barbarie.

Page après page, on suit les pas d’un homme ordinaire devenu un héros grâce à son audace, sa ténacité et son refus de cautionner une réalité trop abjecte. L’autrice rend à travers cette figure singulière, un hommage à tous ces opposants qui veillent, à ceux qui préfèrent l’insolence de la révolte à la prudence imposée par la peur. Un récit permettant de mettre en lumière au travers des héros de notre temps, la part trop obscure de notre monde en dérive. Une lecture nécessaire.