Wollblüem, fleur de molène

Cette plante sauvage, populaire et esthétique, dresse ses hampes couleur soleil dans les prés, les talus, les jardins et même les terrains vagues. Elle est la lumière même avec ses cierges de fleurs présents durant tout l’été. On la nomme Wollblüem en alsacien, c’est-à-dire fleur de laine.

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Fleurs de molène : une hampe de lumière. ©S.Morgenthaler

Sa désignation française, bouillon blanc, en référence au «bouillon» (ou tisane) fait avec ses fleurs et ses feuilles au duvet presque blanc, ne lui rend pas grâce. Préférons-lui le terme de fleur de molène, herbe de saint Fiacre, queue de loup ou de cierge-Notre-Dame. 

Ses désignations en allemand évoquent le cierge : Königskerze (cierge royal), Marienkerze (cierge de Marie) ou Frauenkerze (le cierge de la Dame, c’est-à-dire de la Vierge). Le mot alsacien Wollblüem, fleur de laine, est en référence à ses feuilles, douces comme du feutre, dotés de poils veloutés. Elle est aimée pour la tisane adoucissante et pectorale, faite avec ses fleurs et ses feuilles. On en fait aussi du sirop auquel on attribue les mêmes vertus. Elle est mellifère et ses fleurs au parfum de miel font une belle alliance avec l’ananas, la poire et le chocolat.

Fleurs fraîches de molène : un parfum de miel pour les salades de fruits et pour faire des sirops. ©S.Morgenthaler

Hildegarde de Bingen, spécialiste de la médecine monastique du Haut Moyen Âge, tenait la décoction de ses fleurs et de ses feuilles pour un remède de l’enrouement. Les chanteurs ont recours à elle en cas d’extinction de voix. Avant Hildegarde, Dioscoride, le pharmacologue grec, et Pline le Romain vantaient ses pouvoirs pour guérir les bronches des humains et des chevaux.

La fleur au parfum de miel est si courante qu’elle semble intégrée au paysage. Elle pousse où elle veut, atteignant parfois 1,50 mètre. Il m’est arrivé d’essayer d’en transplanter. C’est peine perdue. 

Au printemps, on devine sa venue par ses petites feuilles en forme d’oreilles de souris qui s’extirpent du sol. Cette plante peut dormir sous terre pendant des décennies et surgir lorsqu’elle sent que le moment est venu de coloniser. Il est fréquent d’en voir dans des chantiers de construction et dans les terrains vagues. 

Ici la fleur de molène s’est accolée
à la rhubarbe. ©S.Morgenthaler

C’est une vagabonde qui spontanément naît où bon lui semble, qui arrive toujours là où on ne l’attend pas. Elle s’invite au potager, ou se colle contre un rosier-tige. Cette année, elle s’est accolée à mon plant de rhubarbe, créant une association inattendue que j’ai fini par aimer.  Elle sait parfois surgir d’une anfractuosité de roche, se contentant de quelques grains de sable, de quelques grammes de terre, entre deux moellons d’une ruine médiévale, comme au château du Geroldseck où je la croise parfois, ainsi que dans les Alpes, mais jamais au-delà de 1800 mètres. 

Il y a quelques années, un plant a jailli sur le porche d’entrée du restaurant Buerehiesel à Strasbourg, se dressant en équilibriste entre deux pierres, telle une girafe. Un jour, l’une a surgi entre deux dalles de ma terrasse, qu’elle parvint à…desceller au cours de la deuxième année de sa vie, qui est aussi sa dernière. 

Car cette plante est bisannuelle : elle accomplit son cycle de vie en deux années. La première année, elle développe les racines, la tige et les feuilles. Puis elle entre en dormance pendant l’hiver pour rejaillir au printemps suivant et faire son spectacle. Puis elle meurt. Il faut alors arracher sa racine pivotante, ligneuse et blanchâtre qui s’enfonce profondément dans le sol. C’est une plante que j’ai photographiée à tous les stades, même en hiver lorsque sa hampe noircie et rabougrie projette son ombre sur la neige.  

Fleur de molène au mont Saint-Odile face à la plaine d’Alsace. ©S.Morgenthaler

La fleur de molène donne un alcool blanc au goût très fin. La Maison Metté à Ribeauvillé est une des rares à la distiller.  C’est l’artiste Raymond Waydelich qui me l’a appris lorsqu’il fut mon invité pour l’émission Zuckersiess en 1994. Il souhaitait un dessert inspiré par sa muse Lydia Jacob, à savoir une crème brûlée arrosée d’alcool de fleur de molène.    Pour le livre La cuisine naturelle des plantes d’Alsace, Hubert Maetz a conçu diverses recettes, comme le gratin d’ananas aux fleurs de molène et au poivre rose, ou le coulant au chocolat au piment d’Espelette, sirop de molène, ou ce sirop inscrit dans nos mémoires sous le nom de Wollblüemesirùp.  


Sirop de fleur de molène 

Ce sirop aux vertus expectorantes est aussi désaltérant lorsqu’il est coupé d’eau. Quelques gouttes ajoutées au moment de la dégustation parfument des entremets et les salades de fruits. 

Recette extraite de La cuisine naturelle des plantes d’Alsace (La Nuée Bleue)

Ingrédients :

  • 50 à 100 g de fleurs fraîchement cueillies (mesurer à l’aide d’un récipient gradué pour obtenir en fleurs la moitié du volume d’eau)
  • 1 litre d’eau
  • 1 kg de sucre

1| Versez l’eau froide sur les fleurs lavées et séchées. 

2| Laissez reposer pendant 24 heures. Filtrez. 

3| Faites bouillir l’eau recueillie avec 1 kg de sucre pendant dix minutes. 

4| Écumez avant de mettre en bouteilles après refroidissement.

Simone Morgenthaler