Aude Bossaye, et l’intimité de la photographie au collodion

Son visage était affiché en grand sur la gare de Strasbourg en mai 2022 : Aude Bossaye, photographe spécialisée dans la technique du collodion, est née à Mulhouse en 1975 et a fait de sa passion un art. Depuis son studio Cuicui à Pantin, elle inaugure notre rubrique Les Alsaciens à Paris.

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La photographe Aude Boissaye coule le collodion sur la plaque en métal qui servira de support à l’image. / ©Aude Boissaye
D’où vous vient cette passion pour la photographie ?

Aude Boissaye : Toute jeune, j’ai travaillé pour la presse à Saint-Louis et Guémar, et j’ai rapidement bifurqué vers la photo. J’ai eu deux déclics en fait : un oncle qui faisait des photos naturalistes, et la couverture de L’Express avec la petite Afghane de Steve Mac Curry. Je l’ai découpée et collée au mur de ma chambre, j’étais obsédée par son regard. Maintenant que je vois ce que je fais, je me suis rendu compte que j’essaie de retrouver cette intensité… Et le collodion a cette particularité d’être très lent, très posé, on rentre dans l’intimité des gens.

Mais comment se forme-t-on à une technique qui date de 1850 ?

Je suis totalement autodidacte. J’ai failli faire pharmacie (rires), et aujourd’hui je fais de la chimie, tout est artisanal, à la main, je ne prends pas des photos, je les fabrique. Il y a un côté très méthodique, scientifique que je retrouve dans cette technique et en même temps, des aléas, des imperfections qui rendent très humble, la météo, l’humain… C’est intéressant aussi de voir comment ils ont trouvé la solution des sels d’argents pour obtenir des images, je dévore les vieux grimoires avec passion !

Comment se passe une prise de vue au studio Cuicui ?

Je ne sais jamais ce qui va se passer et je vois le résultat en même temps que la personne que je photographie. Le process prend 1/2h pour une photo, donc on fait seulement trois images en une après-midi. On y réfléchit beaucoup, c’est un peu comme si on allait chez le peintre, on choisit ce qu’on veut raconter, c’est assez amusant. Certains viennent avec une valise pleine, le manteau de la grand-mère, une acrobate avec sa corde, un jeune qui finissait ses études à Paris, des triplés qui voulaient des photos identiques mais c’est impossible !

Mais vous allez aussi dans les entreprises ou chez les artisans ?

Avec mon compagnon photographe, on a monté le studio Cuicui en 2010, et on a commencé par les livres d’entreprises, comme la Tannerie Haas dans le Haut-Rhin, Peugeot Mulhouse ou la brasserie Meteor. J’ai beaucoup travaillé sur le geste de l’artisan, du créateur, de l’ouvrier. Mais j’ai aussi fait la campagne de l’Institut des métiers d’art en 2022, les éboueurs de Pantin, ou les portraits des acteurs de la série Alphonse… Passer d’un univers à l’autre, c’est ce que j’aime.