Oser la lettre de réclamation parce qu’« on est tous l’emmerdeur de quelqu’un »

Dans le petit opus Chers emmerdeurs aux Éditions Bonneton, Sylvie de Mathuisieulx et sa fille Éline ont pris la plume pour adresser des lettres de rouspétance aux enquiquineurs, une tradition familiale dont elles font profiter les lecteurs prêts à se reconnaître et à en rire avec elles.

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Un petit livre pour faire passer des messages… / ©Dr

« Quand mon père avait un souci avec un assureur, un banquier, un syndic, il envoyait des lettres assez bien senties, et moi quand j’étais gamine, ça me faisait hurler de rire », se souvient Sylvie de Mathuisieulx. D’où la dédicace en début d’ouvrage, qu’elle et sa fille Éline font à René, « qui nous a transmis l’amour, l’art et le virus des lettres de réclamation de plus ou moins bonne foi ».

C’est pendant le confinement, alors que mère et fille étaient tenues éloignées—l’une à Strasbourg, l’autre à Metz—qu’est né leur petit jeu : « On se languissait un peu, et elle avait dû me raconter que quelqu’un lui avait cassé les pieds. On s’est dit, comme on a le temps, on pourrait s’amuser à s’envoyer des textes comme ça ».

Plus elles les faisaient relire, plus « les gens se marraient : ils retrouvent toujours des emmerdeurs qu’ils connaissent, et nous-mêmes sommes saupoudrées dedans, car on
est toujours l’emmerdeur de quelqu’un ». Parties de leurs expériences personnelles, « avec les chauffeurs de bus ou de taxi qui vous voient et démarrent », « les gens qui ne ramassent pas les crottes de leur chien », elles sont ensuite « parties à la pêche, en demandant qui t’embête le plus toi ? » pour obtenir des Chère tantine-je-sais-tout, Chère plante verte subclaquante, Cher garagiste mythomane, Cher fabricant de prise etc.

Un acte libérateur

De la longue lettre de réclamation au tout petit message, « c’était un exercice de style : on a essayé de varier les plaisirs, pour que ce ne soit pas redondant. L’idée étant de picorer, de ne pas lire de A à Z, mais de le poser dans un coin ». Des hashtags dans l’air du temps—« une idée de ma fille »—résument la situation en trois mots. Au final, Sylvie et Éline de Mathuisieulx livrent « quelque chose de très libérateur ». Et ceux de leur entourage qui se seraient reconnus sont restés « très polis et ont simplement fait huhuhu ».


 

Extrait

Cher petit poucet,
Arrête de jeter par terre ton paquet de chips ou de clopes vide, ton emballage de chewing-gum, ton ticket de bus périmé, surtout si tu es à dix mètres d’une poubelle. Et sinon, garde-le en main jusqu’à chez toi. #vous_avez_perdu_ça #Kiki_jette,_Kiki_ramasse