Biréli Lagrène, la guitare dans les airs

Il revenait des États-Unis et partait pour Jarasum à Séoul. Le surdoué du jazz manouche s’est éloigné de l’image du voyage en roulotte : c’est plutôt l’avion qui le transporte entre les tournées internationales et les grands festivals. Biréli Lagrène, 57 ans, originaire de Soufflenheim, a posé sa guitare le temps d’un entretien avec Maxi Flash (qu’il lit !) pour parler de son 39e album : Biréli Lagrène plays Loulou Gasté. Douze chansons acoustiques en hommage au compositeur et mari de Line Renaud, mort en 1995.

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Line Renaud, Biréli Lagrène, Hono Winterstein et Diego Imbert. / ©Alexandre Isard
Entre deux voyages à l’étranger, revenez-vous en Alsace de temps à autre ?

Oui, je n’habite pas très loin. Mon frère et ma sœur sont en Alsace, et dès que j’ai un moment, je les vois. J’ai un pied-à-terre en Alsace, je n’ai jamais déménagé, même si j’étais beaucoup aux États-Unis plus jeune. Actuellement je suis à 70 km de Strasbourg, je suis revenu de Suède il y a quelques jours.

Vous avez donc toujours l’occasion de parler alsacien ?

Oui constamment !

C’est la grande vie de manouche de voyager autant ?

C’est effectivement une forme de voyage, que je n’ai pas eu étant petit, car mes parents étaient sédentaires la plupart du temps. C’est assez différent parce que je passe mon temps dans les avions, je n’ai pas beaucoup connu les roulottes ! Mais je ne pense pas à ça, j’en retiens les interminables voyages en avion… Et la musique qui est un formidable moteur de joie, je suis extrêmement heureux de pouvoir faire ce métier, il vaut mieux ça que rester à la maison et me tourner les pouces.

L’album hommage à Loulou Gasté. / ©Dr
Si vous deviez citer un souvenir marquant de votre carrière, ce serait lequel ?

Toutes les rencontres en voyage sont magnifiques, et ce serait une forme d’égoïsme d’en citer une seule. Mais peut-être ma rencontre avec Stéphane Grappelli, en 1979 quand il est passé à Strasbourg, j’étais tout jeune, je n’avais pas commencé mon métier, et ça me reste en mémoire.

Avez-vous rencontré Louis Gasté avant sa mort ? Et Line Renaud, la connaissez-vous depuis longtemps ?

Louis Gasté, je n’ai pas pu le rencontrer, mais il adorait ce que je fais musicalement, et c’est dommage que nos chemins ne se soient pas croisés à l’époque. Il est mort il y a 28 ans, et il aimait tellement ce que je fais qu’il en parlait souvent à Line, et donc elle m’a proposé ce projet pour lui rendre hommage. J’ai rencontré Line Renaud il y a presque vingt ans. Elle m’avait invité chez Michel Drucker à l’époque, on a fait un morceau sur lequel elle a chanté, et on a gardé contact jusqu’à l’album que j’ai fait pour son mari.

Pour l’enregistrement de Biréli Lagrène plays Loulou Gasté, avez-vous échangé souvent ?

Line m’a envoyé une vingtaine de morceaux, en m’indiquant ceux qu’elle voudrait vraiment, il était hors de question que je lui refuse! On a vu ça ensemble, à chaque fois que j’ai trouvé un truc, je l’appelais, et puis elle m’a donné le feu vert sur tous les morceaux que j’avais envie d’enregistrer. On a fait une espèce de mélange, comme
Ma cabane au Canada, qui est super connu. Et d’autres qu’elle a aussi chantés, mais qui sont moins connus. Puis on est rentré en studio et on a enregistré pendant quatre jours. Elle est venue quand l’enregistrement était fini. Comme c’est une femme de 95 ans, je ne voulais pas qu’elle sorte tous les jours… Elle a écouté quelques titres, en disant c’est super.

Line Renaud et Biréli Lagrène se connaissent depuis une vingtaine d’années. / ©alexandre isard
Les photos de l’album ont été prises à cette occasion, et on sent une réelle admiration et de la satisfaction…

C’est vrai. Line est formidable, elle est tellement sensible, musicalement aussi. Quand on regarde sa carrière, c’est juste fabuleux ! Je la remercie de m’avoir choisi moi pour ce projet !

Qu’aimez-vous dans les compositions de Loulou Gasté ?

(Réfléchit) Ce sont des compositions très sensibles, très belles, beaucoup de belles harmonies, c’est quelque chose de très fragile et ça m’a beaucoup plu. Line en chantant par-dessus apporte quelque chose d’encore plus beau.

Quelle est votre touche personnelle ?

J’y ai mis mon caractère, sans vouloir trop changer les titres, bien évidemment que non, et ce son très acoustique, un peu jazz manouche, ça a donné un timbre différent, mais qui reste dans la même lignée puisque c’est entièrement acoustique, et ça s’est bien prêté aussi.

Line Renaud et Biréli Lagrène se connaissent depuis une vingtaine d’années. / ©Alexandre Isard
Vous êtes trois musiciens sur l’album, un mot sur les deux autres ?

À la contrebasse, il y a Diego Imbert. En 2001, j’avais créé le groupe Gipsy project avec lequel j’ai tourné dix ans et lui, c’est le pilier de ce groupe. À la guitare rythmique, Hono Winterstein, pareil, un pilier aussi ! J’avais envie de rejouer avec eux, et en plus, ils étaient là aussi pour l’émission chez Michel Drucker, j’ai donc retrouvé les garçons de l’époque.

Cette année, cela fait 70 ans que Django Reinhardt est mort, c’était l’occasion de rendre un hommage à votre passion commune avec Loulou Gasté ?

D’une manière générale, Louis adorait Django et ils se connaissaient bien dans les années 50. Par la manière dont c’est interprété, c’est une forme d’hommage à Django également…

Quels sont vos projets ?

Dans l’immédiat, le Jarasum Jazz Festival en Corée du Sud. Je n’ai jamais été à Séoul, c’est un festival entre 15 et 20 000 personnes, tout le monde m’a dit que c’est super. Et je sortirai un nouveau disque cet hiver. Et puis la roue tourne… Heureusement !